Laurent Gerra et Eddy Mitchell sont à l’affiche d’Un père idéal, un téléfilm inspiré d’un vrai fait divers impliquant un homme accusé à tort d’inceste et d’infanticide. C’est autant un film sur la rumeur et ses dommages collatéraux que sur l’amitié entre le père (Laurent Gerra) et le curé de la paroisse (Eddy Mitchell). Interview croisée des deux hommes alors qu’Un père idéal d’Hélène Filières est diffusé ce 2 octobre, à 21.10, sur France 2.

Eddy Mitchell et Laurent Gerra, à l'affiche du téléfilm Un père idéal

Eddy Mitchell et Laurent Gerra

Synopsis

Michel (Laurent Gerra), convivial et chaleureux, tient le seul bar d’un petit village normand, où défile toute la population locale, dont son meilleur ami, Jeff (Eddy Mitchell), le curé. Un soir, après une sortie, sa fille Karine, 17 ans, frappe à la porte du bar fermé, réveille son père et s’étouffe devant lui sans qu’il puisse la sauver. Les habitants apportent leur soutien à Michel jusqu’à ce que des rumeurs d’inceste et de meurtre ne commencent à courir sur son compte.

Qu’est-ce qui vous a séduit dans Un père idéal ?

Laurent Gerra : C’est de retravailler avec Hélène [Filières, la réalisatrice, ndlr] parce qu’on avait déjà fait un film ensemble [Une confession, en 2023]. J’aime son cinéma. C’est un cinéma qui prend son temps, qui est très esthétique.

Eddy Mitchell : Je suis le curé du coin. Mon vrai nom étant Claude Moine, c’était évident pour moi. (Sourire) Ce qui m’a séduit, c’est le fait qu’il ne soit pas un curé traditionnel. Il a des bagues, il n’est pas vraiment très catholique. Cela m’intéressait, d’autant plus qu’on peut croire que c’est lui le coupable. Et je suis en même temps l’ami depuis toujours du patron de bistrot [Michel, joué par Laurent Gerra]. Puis, arrive ce drame. Un drame dans lequel je suis moi-même incriminé car on peut supposer que je suis l’assassin. Et à un moment, j’ai un doute sur mon pote.

Dans Un père idéal, Laurent Gerra incarne Michel, accusé d'inceste et d'infanticide

Laurent Gerra

LG : Moi, je n’ai aucun doute parce que je sais que je n’ai rien fait. Mais Hélène a réussi à mettre ce doute dans la tête du spectateur.

Votre personnage vous a-t-il émus ?

LG : Oui, beaucoup parce qu’Hélène dirige bien et qu’elle a senti des choses chez moi. Cela ne va pas faire écho parce que, heureusement, je ne suis pas comme le personnage. Enfin si, un petit peu forcément, vu que je suis innocent. Mais c’est vrai qu’elle m’a dit : « Tu imagines si cela t’arrivait à toi ? » Bien sûr, que j’étais ému. Je suis un père. C’est une histoire qui m’a secoué. Mais aussi parce que j’aime les histoires d’amitié. Un père idéal n’est pas qu’une histoire de rumeur. Eddy me protège aussi beaucoup dans le film.

Eddy, le sens de l’amitié est-il votre point commun avec Jeff, votre personnage ?

EM : Oui, effectivement.

Vous jouez un curé. Quel est votre rapport à la religion ?

EM : J’ai été louveteau. Mais pas longtemps. (Rires) En colonie de vacances.

LG : Moi, ma grand-mère n’est pas baptisée, mon père n’est pas baptisé, je ne suis pas baptisé. D’ailleurs, j’en parle dans Un père idéal. [Il s’adresse à Eddy Mitchell] A un moment, je dis que je n’irais pas dans ta petite entreprise. Etant donné que je n’y crois pas, je suis plutôt assez ouvert à tout ça. Je me souviens du curé de mon village à la montagne. Je lui ai dit : « Les fidèles, c’est comme la neige. Il y en a de moins en moins chaque année. » On avait rigolé. Je trouve que notre amitié dans le film est forcément évidente parce qu’il y a quelque chose de très humain.

Vous partagez une complicité de longue date. Vous souvenez-vous de votre rencontre ?

Dans Un père idéal, Eddy Mitchell incarne le Jeff, le curé de la paroisse

Eddy Mitchell

EM : C’était grâce à un ami commun, Gérard Jourd’hui [producteur de La Dernière Séance présentée par Eddy Mitchell, ndlr]. Les « comiques », je n’y connais absolument rien. (Laurent Gerra éclate de rire.) C’est vrai ! Ils ne me font pas rire. Mais Gérard m’a dit : « Tu dois écouter ce gars, il va te plaire ». Je l’ai écouté et effectivement, il avait raison. J’ai demandé à le rencontrer, je suis allé voir son spectacle. On a fait ami-ami. Et depuis, ça va.

LG : On s’est retrouvés sur la culture du western, sur la chanson. Sur le tournage d’Un père idéal, il nous arrivait de chanter du Georges Guétary, par exemple. Entre deux scènes dramatiques, on chantait quand même des bêtises. Sur un sujet qui n’est pas facile, on rigole. Mine de rien.

EM : Oui. Enfin, on est comme deux gamins.

LG : On avait tendance à un peu trop rigoler. J’avais eu un énorme plaisir lors de notre spectacle, A crédit et en stéréo (2021). On se connaissait, on savait qu’on avait les mêmes envies et les mêmes inimitiés aussi. Donc se retrouver… Je me pinçais de temps en temps. Je me disais : « Quand même, il a une soutane ». (Rires)

Eddy, est-ce vrai que vous apprenez votre texte au dernier moment ?

EM : Parce que je n’ai pas de mémoire.

LG : Mais si, tu as de la mémoire.

EM : Oui, j’ai de la mémoire mais je n’aime pas ressasser les choses. J’aime apprendre directement et donner tout de suite. En revanche, je ne peux pas redonner l’après-midi ce que j’ai fait le matin. Parce que j’ai oublié.

Vous êtes-vous trouvé de nouvelles facettes d’acteur grâce à ce rôle dans Un père idéal ?

EM : Non. J’ai bien étudié mon rôle. C’est tout. Ce n’est pas si difficile que cela, ce n’est pas compliqué du tout.

LG : Jean-Paul Belmondo disait qu’on joue mieux au tennis quand on a un bon partenaire.

EM : Oh, oh. Mouais. (Sourire)

LG : Je parle de moi par rapport à toi. (Rires)

Comment s’est passé votre scène de bagarre dans Un père idéal ?

LG : Je l’ai mal vécue. Je ne peux pas lui faire ça, c’est mon copain. A tel point que le cascadeur m’a dit : « Il faut faire ça ». J’ai répondu : « Mais non, je ne peux pas ». Quand j’ai joué le curé pédophile dans Une confession, j’étais obligé de frapper une petite fille. J’ai dit : « Non, je ne peux pas ». Hélène m’a répliqué : « Tu es une ordure, donc tu vas la frapper. » Non, je ne peux pas. Et puis après, finalement, la petite m’a dit : « Bon, tu as intérêt à t’appliquer parce qu’on ne va pas la refaire 30 fois ». (Rires) Là, Eddy était à terre dans une église, il faisait un froid de gueux, donc j’étais obligé. En plus, je le voyais en sang au maquillage. Le pauvre.

Eddy, cette scène était-elle aussi dure pour vous ?

EM : Non, j’étais allongé. (Laurent Gerra éclate de rire) Et je faisais : « Aaaah… »

LG : Et moi, j’avais beaucoup de peine. (Rires)

EM : Je te comprends. (Laurent Gerra éclate de rire)

Eddy, au départ, Hélène vous avait proposé de jouer le propriétaire du haras et non le curé.

EM : Ce rôle ne m’intéresserait pas. Je le trouvais creux. Maintenant, c’est mon opinion. Donc, on a choisi ensemble le curé.

Vous tournez très peu pour la télé.

EM : Parce que j’ai l’impression que les gens ne payent pas. Au cinéma, les gens payent leur place. A la télé, on est chez soi et, généralement, on est plus grand que l’acteur.

Donc, vous avez changé d’avis.

EM : Oui, parce que je trouve que les scénars sont maintenant aussi importants à la télé, sinon plus, qu’au cinoche. Au cinoche, en ce moment, il n’y a rien qui m’intéresse. Mais ça, c’est perso. Les comédies, etc. J’en ai ras-le-bol. J’ai refusé pas mal de trucs.

Mais prenez-vous autant de plaisir à chanter qu’à jouer ?

EM : Oui, bien sûr.

LG : Pas sur scène. Il n’a pas voulu qu’on fasse plusieurs fois notre spectacle. (Rires) Alors que moi j’en rêvais. J’ai dit : « On fait une quinzaine de dates et on choisit les restos ». (Rires)

Quelle est votre actualité en dehors d’Un père idéal ?

EM : Mon nouvel album [il sort le 8 novembre, ndlr]. Il s’appelle Amigos parce que plein de potes ont travaillé avec moi.

LG : Et moi ? Je sens le gaz ? (Rires)

EM : Tu n’es pas écrivain.

LG : (Rires) J’ai écrit Le doigt dans le cul. J’ai écrit La cabane au fond du jardin.

EM : Il y a William Sheller, Pascal Obispo, San Severino et… (Il réfléchit.)

LG : Je ne peux pas t’aider. Je ne suis pas dedans.

EM : Alain Chamfort.

Et vous Laurent ?

LG : Je rattaque les hostilités avec Laurent se met à table. Après Sans modération, il était logique de passer à table. J’ai déjà fait 12 dates et là, je repars en tournée. Il y a Eddy dedans. Je fais une parodie avec La fille couleur écolo. J’ai eu son autorisation.

EM : Il a eu mon autorisation.

Eddy, qu’est-ce que ça vous fait d’être imité ?

EM : Ça fait plaisir. D’autant plus qu’il est quand même très doué, le pépère.

LG : Remouille-moi la compresse. (Rires)

Crédit photos : © Michael Crotto