Jeux de pouvoir et trahisons sont au programme de ce drame familial sur un magnat de la presse et ses héritiers. Signée Jesse Armstrong et Adam McKay, cette série s’annonce sarcastique et féroce. Et c’est pour HBO, donc tout est permis. La diffusion de la première saison de Succession commence ce 3 juin sur HBO et le 4 juin sur OCS City en US+24.
La fête bat son plein à ce mariage. Et l’hypocrisie aussi. Révéler qui célèbrent leur union serait spoiler une des intrigues de cette première saison de Succession qui a commencé par un anniversaire. Le jour de ses 80 ans, Logan Roy (Brian Cox), propriétaire de la WayStar Royco, l’un des plus grands conglomérats de presse et de divertissement du monde, surprend toute sa famille avec une annonce assez perverse. Contrairement à ce qui était prévu, il ne passe plus le flambeau à son fils Kendall (Jeremy Strong) et ne prend plus sa retraite, comptant même continuer à la tête de son empire pendant encore 5 ou 10 ans. Ses quatre enfants réagiront chacun à leur façon à la nouvelle et à ses conséquences sachant qu’ils ont été élevés dans une famille où l’argent a remplacé l’amour et par un patriarche cruel, vénal, manipulateur et profondément égoïste. Et que les chiens ne font pas des chats. Kendall est considéré par tous comme un faible dans les affaires et ce revirement de situation n’arrangera pas son ulcère. Roman (Kieran Culkin) ne prend jamais rien au sérieux même – et surtout – quand des vies sont en jeu. Siobhan (Sarah Snook) s’est éloignée de l’entreprise familiale afin d’éviter ce genre d’intrigues, préférant celles pourtant aussi peu reluisantes de la politique. Connor (Alan Ruck) ne semble pas être tout seul dans sa tête et vit dans son propre pays merveilleux. Tous aiment le pouvoir à leur façon et pratiquent le coup de couteau dans le dos comme un sport national.
Toute la famille est réunie pour ce mariage, qui couvre les deux derniers épisodes de la saison et qui en constitue l’apogée. Les guerres intestines couvent alors que tous doivent faire bonne figure dans ce milieu de riches et de puissants qui ne trompe personne. Les piques assassines sont ainsi lancées avec un grand sourire et tous s’en donnent à cœur joie. Pour sa nouvelle série, HBO a en effet associé l’humour corrosif d’Adam McKay (The Big Short : le casse du siècle) – et qui ici réalise le pilote – à la plume toute aussi acide du showrunner Jesse Armstrong (la série The Thick of it et le film In the Loop) afin de montrer la face plus ou moins cachée d’une famille dysfonctionnelle de milliardaires. Ces derniers ont une étonnante facilité à être cruel à des degrés divers mais en quasiment toute circonstance. Pour l’inspiration, Jesse Armstrong dit avoir suivi l’air du temps. En 2016, pendant l’écriture et le tournage du pilote, la campagne pour l’élection présidentielle américaine faisait la une quotidiennement. « Ceux qui ont vu le pilote y ont vu une satire de Donald Trump parce que j’ai créé une famille dont certains fils sont plus capables que d’autres, se rappelle le showrunner. Mais mon écriture a tout autant été influencée par les familles de Rupert Murdoch et de Robert Maxwell que des magnats des médias comme Sumner Redstone, John C. Malone et Brian L. Roberts. Je suis autant intéressé par leurs histoires de succession que par les intrigues liées à ces gens qui détiennent le pouvoir sur notre manière de communiquer. Mais si les deux premiers épisodes peuvent peut-être rappeler ces gens-là, la famille Roy prend ensuite pleinement son indépendance. »
Le tournage de la cérémonie et du banquet durera quatre semaines. HBO a mis les petits plats dans les grands. La chaîne de télé a investi le château Eastnor, à Hereford, Angleterre. Une bâtisse construite au 19è siècle sur les modèles des manoirs du 17è et utilisée aujourd’hui pour des tournages, des mariages en grandes pompes et autres festivités de riches. De l’extérieur, il fait faux et un peu trop neuf, voire carton pâte, comparé aux « vraies vieilles forteresses » mais d’après les Anglais engagés sur le tournage, « pour les Américains, le 19è siècle équivaut au Moyen Age ». L’honneur visuel est donc à peu près sauf. La production a également engagé un organiseur de mariage spécialisé dans les milliardaires pour atteindre plus de réalisme. Une verrière a été dressée dans le parc pour le repas et la fête. Sur les tables rondes décorées de roses blanches et de bougies, les assiettes de porcelaine accompagnent les verres en cristal et les couverts en argent. Le ginger ale et les jus de raisin font office respectivement de champagne et de vins rouge et blanc. Le gâteau du mariage au glaçage d’un blanc immaculé a coûté 5 000 £. Un orchestre de jazz rythme l’ambiance en live tandis que 150 figurants en smoking et robes de soirée incarnent les invités.
Une des trois scènes tournées au cours de la nuit se joue entre Roman et Connor. Le premier parle de satellite de communication et de pouces arrachés et le second de candidature à la présidence américaine quand personne ne vous aime. L’humour de la série est noir et sarcastique, parfois absurde, une des affinités que partagent Jesse Armstrong et Adam McKay. Les personnages virevoltent dans le décor tandis que la caméra 35 mm – une demande spécifique d’Adam McKay pour tous les épisodes – passe avec fluidité de l’un à l’autre. La réalisation est aussi dynamique que les scènes sont bavardes. Chaque prise – il en faudra six ou sept pour chacun des plans – est différente dans les dialogues ou l’interprétation. L’équipe de scénaristes est sur le plateau et change constamment une réplique ici ou là tandis que les deux acteurs Kieran Culkin et Alan Ruck y vont de quelques improvisations. A « Coupez ! », les rires ne sont pas rares. « Ce sont des monstres… lancent Jesse Armstrong en parlant de ses personnages riches et privilégiés. Peut-être… Pas tous… Ils sont aussi des êtres humains. Ils sont faillibles. » Et plus antipathiques les uns que les autres. Et pourtant très attachants. Et cette empathie est un véritable tour de force vu toutes les vilenies qui se déroulent dans cette série.
Crédit photos : © HBO