Le démon rouge fumeur de cigares et dévoreur de pancakes fait son retour après trois ans d’absence avec toujours le génial Guillermo Del Toro aux commandes. Cette fois, Hellboy, Liz et Abe affrontent un prince elfe décidé à détruire la race humaine. Nous n’avons pas fini d’entendre : « Oh, ça me gonfle ! ».
Les sous-sols de New York abritent un marché troll ! L’accès se fait par un passage secret caché derrière le mur d’une conserverie de viande située entre deux piliers du pont de Brooklyn. Le marché oscille entre le souk marocain et la cour des miracles avec quelques effluves de la Cantina de Star Wars Episode IV. Chaque stand propose un produit unique et tout est à vendre : cartes, pots, têtes de cochons, enjoliveurs, lampes, os, organes, jambes de bois, chats rôtis… Les rues sont sombres et peuplées d’étranges créatures, vendeurs ambulants ou acheteurs invertébrés. Le vendeur de chats a des pieds de faune et une tête de rapace avec deux fins télescopes à la place des yeux et une cage avec deux minets sur le dos. Le joueur d’orgue de barbarie a une tête de champignon, des oreilles de basset, des ouïes sur le torse et deux mains rachitiques. La vendeuse de momies est une vieille dame courbée sur un tricycle avec une cage ronde contenant un humain et un chien momifiés. Et au coin d’une rue, ce truc de trois mètres gris et poilu, avec une tête mâtinée de gorille et de crapaud, un œil rouge et l’autre crevé, une défense cassée, des crocs pourris, de longues piques de hérisson sur le haut du dos, une main à trois doigts et l’autre qui projette une chaîne, c’est Wink. Et il est en train de taper sur Hellboy.
Nommé d’après le chien de l’actrice Selma Blair, Wink, dont l’acteur Brian Steele porte le costume et la tête animatronique, fait partie de la nouvelle galerie de monstres et de bestioles appartenant à l’univers du réalisateur Guillermo Del Toro. Ce dernier en a dessiné quelques uns tout comme Mike Mignola, le créateur de Hellboy, qui s’est chargé du fameux Wink. Pour les autres, Guillermo Del Toro a demandé à des designers et des spécialistes d’animatroniques. « Je leur ai dit : Amusez-vous. Revenez avec tout ce que les autres ne vous laisseront jamais inventer comme créatures, sourit le réalisateur. Je leur ai laissé carte blanche, je savais qu’ils m’apporteraient chacun trois ou quatre projets. Je voulais un film avec beaucoup d’animatroniques, un film à la Harryhausen. » Vœu exaucé quand nous pénétrons l’ancienne carrière de calcaire de Tarnok, à une heure de Budapest, en Hongrie, où toute l’équipe de Hellboy II : les légions d’or maudites a élu domicile pendant l’été. Le marché troll a été construit grandeur nature dans une des immenses grottes au fin fond d’une galerie. Les départements techniques du film se sont installés dans les autres excavations, froides, humides et au fumet incomparable de moisi : costumes, maquillage, machinerie… Et surtout le département animatroniques. Les tables regorgent de plusieurs exemplaires de têtes et de membres électroniques de monstres : Wink, Tête de cathédrale, Hacheur de poissons, Vendeur de lampions… Le bestiaire de Hellboy II est fantastique à tout point de vue. « Le premier épisode de Hellboy parlait de nazis et de sciences occultes, rappelle Guillermo Del Toro. Celui-ci parle d’un monde fantastique qui vit sous terre, sous le monde des humains. Le premier était l’histoire de Hellboy confronté à ses origines. Là, il doit décider de quel côté il se situe : celui des humains ou celui des monstres. »
Un vrai parcours du combattant
Ce deuxième volet des aventures d’Hellboy a failli ne jamais voir le jour. La première aventure n’a pas eu le succès escompté en salles, en tout cas hors Etats-Unis car le film était déjà disponible en DVD (légal et piraté) outre-Atlantique avant sa sortie européenne. C’est d’ailleurs la vente des DVD qui a donné quelques bénéfices au film. Revolution Studios, le producteur du premier film a, entre temps, mis la clé sous la porte et ce n’est qu’avec la reprise du flambeau par les studios Universal que la préparation du film a pu commencer au cours du printemps 2006, pour un budget avoisinant les 70 millions de dollars. Un budget à peu de chose près égal au premier (66 M$) pour un film qui, à l’écran, donnera le sentiment d’avoir été fait avec trois fois ce montant tant ce nouvel univers inventé par Guillermo Del Toro est impressionnant, et notamment tout le monde souterrain des elfes, des trolls et autres créatures féeriques ou glauques.
« Quand vous présentez votre film aux studios en parlant d’elfes et de trolls, ils pensent tout de suite au Seigneur des anneaux, admet Guillermo Del Toro. Mais j’en suis le plus éloigné possible. Le marché troll a un esthétisme à la fois marocain et européen, les vêtements du prince et de la princesse rappellent les mille et une nuits avec une influence japonaise. J’ai essayé de faire des elfes moins lisses, plus déjantés et plus à cran… » Et le premier d’entre eux n’est autre que le nouveau nemesis de Hellboy, le prince Nuada. « Pour le méchant, nous avions besoin d’un personnage qui, quelque part, a raison, qui se bat pour quelque chose qu’il estime juste, reprend le réalisateur. Ce qui n’est pas facile dans notre genre de films car généralement, plus le méchant est détestable, plus le spectateur est content. Mais j’ai tendance à donner une scène « plus humaine » au méchant vers la fin du film. Je préserve son côté sombre pendant tout le film jusqu’au dernier tiers où je lui donne son moment d’humanité. »
Guillermo Del Toro a écrit le rôle de Nuada pour Luke Goss (Nomak dans Blade II). « Pour Nuada, les humains ne respectent rien, que ce soit eux–mêmes, les autres, leurs dieux, la terre, énumère l’acteur. Alors pourquoi respecter et honorer un accord qui a été passé entre le roi – le père de Nuada – et les humains et qui fait des elfes des citoyens de seconde classe ? Nuada ne veut pas être une marionnette dans les mains des humains, il a le droit d’être leur égal. » Pour lever son armée, il a cependant besoin de deux objets que possède sa sœur jumelle, la princesse Nuala. Sauf que la soeurette pense qu’il a tort. Elle croit en la race humaine et surtout quand Hellboy et consorts débarquent, elle tombe amoureuse d’Abe Sapien.
Une famille de monstres bien barrés
L’homme poisson bleu est en effet de retour, après avoir été abandonné dans son aquarium dans le dernier tiers du premier épisode pour des raisons budgétaires. « Je lui devais de le faire revenir dans le second volet et de lui donner plus de temps, sourit Guillermo Del Toro. Je crois que sa présence à l’écran égale celle de Hellboy et de Liz. C’est une équipe, une famille comme je les aime : des monstres bien barrés. » « Abe n’était qu’une note dans le premier, remarque l’acteur Doug Jones. Cette fois, il est une vraie mélodie avec notes et harmonies. Il découvre l’amour, il passe plus de temps avec son copain Hellboy, il développe cette relation frère-sœur avec Liz et il a des scènes d’action. Je me bats – enfin ma doublure se bat parce que pour certains mouvements, j’en suis incapable – dans un style mêlant le côté aquatique et fluide de l’homme poisson et la capoeira. » Acteur fétiche de Guillermo Del Toro depuis Mimic – le gros cafard, c’était lui, Doug Jones a toujours prêté son corps – et cette fois sa voix – aux créatures du réalisateur. Il en incarnait deux dans Le labyrinthe de Pan – le faune et l’homme pâle, là, il relève le défi d’en jouer trois : Abe Sapien mais aussi le Chamberlain – le gardien de la porte de la chambre du roi des elfes, et l’Ange de la mort, « androgyne, obsédant et effrayant mais aussi attentionné et compatissant, et qui mériterait d’être revisité dans un film ultérieur », sourit l’acteur.
Quant à Liz Sherman, « elle est très différente du premier épisode, raconte à son tour l’actrice Selma Blair. Elle est plus forte et elle maîtrise ses pouvoirs de pyrokinésie. Elle a beaucoup grandi, elle est loin de cette fille que tout effrayait. Et elle vit une vraie histoire d’amour avec Hellboy. Même si elle ne l’embrasse pas cette fois, ce qui est triste pour une histoire d’amour. »
Arrivée d’un petit nouveau
Si nous retrouvons les trois protagonistes principaux du premier épisode, Guillermo Del Toro et Mike Mignola ont cependant modifié le reste de l’équipe du Bureau de recherche sur le paranormal. Exit le jeune John Myers. « Le film avait besoin de changement, confie le réalisateur. Vous ne pouvez pas revenir avec un film où tous les personnages sont les mêmes depuis le début alors que quatre ans ont passé. Cela me paraissait bizarre. Nous avions besoin de sang neuf. Je pensais aussi, à tort, que Myers serait un bon pendant à Hellboy. Mais au final, il apparaissait plus comme un élément nécessaire à l’exposition de l’histoire. Si sa présence ne fonctionnait pas dans le premier épisode, pourquoi le faire revenir dans une position similaire ? »
En revanche, Guillermo Del Toro et Mike Mignola misent sur un petit nouveau, le personnage de Johann Kraus, arrivé en droite ligne du comic. Tous deux ont essayé les autres personnages de la bande dessinée avant de le choisir. Ils ont tenté une ou deux versions du scénario avec Kate Corrigan sans succès. « Nous présentions la princesse et Kate et en ajoutant Liz, nous nous demandions où était vraiment l’histoire, avoue le réalisateur. J’ai alors voulu un personnage rigide et super carré. Nous avons essayé une version avec Roger l’homoncule en tant que personnage dramatique et tragique. Mais c’est exactement ce qu’est Hellboy. La fonction de Roger dans le comic est exactement la même que celle de Hellboy dans le film : une bonne âme coincée dans un corps de monstre. Le Hellboy du comic n’en a rien à faire de ce à quoi il ressemble physiquement. Il n’a pas ces moments introspectifs façon Frankenstein devant son miroir. Il est ce qu’il est et il s’en fout. Mais Roger si. Il ressemblait donc trop à mon Hellboy. J’ai ensuite pensé que Johann Kraus serait un personnage décent, charmant et qu’il s’entendrait bien avec Abe. Et s’opposerait bien à Hellboy. Ils ont tous les deux des façons de procéder très différentes. Johann est du genre à discuter alors que Hellboy est plutôt du genre à cogner. » Mais c’est pour cela qu nous l’aimons, non ?
Article paru dans Ciné Live – N°120 – Février 2008
Crédit photos : © Universal Pictures
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