Pour sa deuxième aventure derrière la caméra de Spider-Man, Marc Webb a voulu réaliser un film drôle avec un héros espiègle comme un gamin. L’arrivée du méchant de service, Electro, change la donne.
Corlear’s Hook Park, dans le Lower East Side de Manhattan, à New York, sur les rives de l’East River. 1er juin 2013, il est 8h du matin. Spider-Man est déjà en train de se balancer au bout d’un filin accroché à une grue. Il atterri souplement sur le sol et fait quelques pas pour disparaître rapidement derrière un stand de souvenirs de New York. Et comme par magie, Peter Parker réapparaît de l’autre côté, vêtu d’une toge bleue de remise de diplômes, retirant prestement son masque de superhéros et ajustant une toque bleue sur sa tête. On a beau connaître l’envers du décor, ce truc vieux comme Méliès reste cool à voir.
C’est le 83ème jour de tournage de The Amazing Spider-Man 2 : le destin d’un héros. Nom de code pour éloigner les curieux : London Calling. Pendant que le cascadeur dans son costume de Spider-Man et l’acteur Andrew Garfield dans son costume de Peter Parker refont une prise de leur tour de passe-passe, à une vingtaine de mètres de là, l’équipe de production continue de préparer la scène n°30 : le discours de Gwen Stacy, major de sa promotion, lors de la remise des diplômes de la Midtown Science High School. L’amphithéâtre à ciel ouvert du Corlears Hook Park a été décoré des couleurs bleu et jaune du lycée. Des banderoles et des ballons estampillés « Félicitations aux diplômés » flottent partout sur le décor. Un pupitre et des chaises ont été arrangés sur l’estrade, avec ici et là quelques jardinières de fleurs. Dans les 200 diplômes sont empilés sur une table. Deux caméras sont installées sur le plateau, toutes deux au bout de grues télescopiques Scorpio : une dans les gradins face à la scène et une à droite de l’estrade. Le réalisateur Marc Webb tourne en 35 mm. Il veut « le look des grands films classiques, une qualité opératique et épique. »
Une araignée dans la Grosse Pomme
C’est la première fois qu’un Spider-Man est tourné entièrement à New York. « C’est une décision intelligente, souligne Andrew Garfield. Cela fait cliché de dire ça, mais New York est un personnage à part entière dans le monde de Spider-Man et de Peter. C’est difficile de vous sentir du Queens quand vous faites face aux palmiers de Los Angeles à siroter un frapuccino. Vous avez l’impression de tricher. Tourner à New York apporte de la richesse, de la texture et de la dimension à notre histoire. » « La ville est dure pour un tournage et pas toujours coopérative, reconnaît Marc Webb. C’est difficile de tourner dans les rues, d’obtenir les images que l’on veut et d’échapper aux paparazzis. Mais il y a une telle énergie et une telle vibration que vous sentez la réalité de la ville sur les personnages et sur l’histoire. »
Quelques centaines de figurants s’assoient sur les bancs en bois des gradins (Stan Lee, le co-créateur de Spider-Man, se glissera parmi eux le lendemain pour son caméo traditionnel). Une tenue décontractée mais correcte a été exigée, ils incarnent la famille et les amis des lycéens diplômés. Ces derniers, tous en toge et toque bleues, s’installent sur des chaises pliantes disposées entre les gradins et l’estrade. Quelques toques sont customisées : damier, jeu de morpion, inscription « Skool Sux » (l’école, ça craint)…
Quand tous les figurants sont là, un assistant arrive avec un porte-voix. Son « Bienvenue sur The Amazing Spider-Man 2 ! » est accueilli avec des applaudissements et des cris de joie. Qui retombent très vite quand il ajoute : « Si vous ne vous sentez pas bien, dites-le ! » La météo annonce 32°C pour la journée et les figurants vont rester en plein soleil. Les plus prévoyants ont apporté des parapluies ou des chapeaux pour se protéger. Les autres utilisent tout ce qu’ils trouvent : livre, sac à main, mouchoir, ballon… Mais tout doit disparaître au mot « Action ! ». L’assistant prévient ceux de la section du milieu qu’ils ne doivent pas se lever car la caméra passera au-dessus de leur tête. Il interdit les lunettes de soleil aux diplômés et aux figurants sur l’estrade mais les autorise à ceux dans les gradins. Il leur donne leurs consignes de jeu : écouter le discours de Gwen, l’applaudir, applaudir chaque diplômé avec la même intensité, même Peter Parker car pour eux, il est un lycéen comme un autre.
Une folie doucereuse
L’actrice Emma Stone se place derrière son pupitre. Ses longs cheveux blonds sont en partie cachés par sa toque bleue. Elle porte une écharpe jaune sur sa toge bleue. Les membres de l’administration de l’école sont assis derrière elle. Elle déclame son discours : « Il faut vous battre pour ce qui compte pour vous… La vie a de la valeur parce qu’elle ne dure pas éternellement… Le temps est une chance, ne le gâcher pas… Faites que votre vie compte… » Le directeur de l’école égraine ensuite les noms des diplômés. Les lycéens montent sur scène, récupèrent leur diplôme, serrent quelques mains puis redescendent. Andrew Garfield est derrière l’amphithéâtre, préparant son entrée tardive. Il sautille sur place pour arriver sur l’estrade essoufflé. Le bas de sa toge se soulève et on peut voir qu’il porte un short et des Converse montantes.
Le nom de Peter Parker est répété et le jeune acteur se précipite sur scène. Il prend son diplôme et embrasse à pleine bouche Gwen, la faisant basculer en arrière. « Je reconnais que ce baiser était assez présomptueux de ma part, sourit Andrew Garfield. Ce n’était pas dans le scénario, je me suis surpris moi-même. J’étais dans la vérité du moment. Je viens de sauver la ville de New York et de tomber le masque de Spider-Man. Littéralement. J’ai fait du bon boulot et j’ai pris plaisir à le faire. J’ai été spontané. Toute cette cérémonie ne représente pas grand-chose pour Peter mais elle est importante pour Gwen et Tante May. Peter se sent coupable d’avoir raté le discours de Gwen et il veut donc la charmer, réparer ses torts, la faire sourire et l’embarrasser. » « Cela résume assez notre situation, continue Emma Stone. Notre relation est faite de moments volés. C’est dur. Peter a fait une promesse, mais elle est loin. Leur amour est cependant indéniable et il est au cœur de cette histoire. »
Le scénario de cet opus a été écrit à six mains par Roberto Orci et Alex Kurtzmann (scénaristes notamment des Star Trek de J. J. Abrams et des séries Fringe, Sleepy Hollow, Hawaï 5.0) et Jeff Pinkner (scénariste également de Fringe). Mais le producteur Avid Arad avoue avoir aussi écouté les fans. « Ils voulaient en savoir plus sur la vie de Peter et sur ses parents et avoir plus de moments comiques. Nous prenons au sérieux la base dure des fans et les réseaux sociaux. Marc Webb lui-même adore blogger. Quand on a parlé d’un personnage fou pour l’acteur Paul Giametti, la Toile s’est emparé avec joie de ce concept ce qui, en retour, nous a donné toute licence de dire à Paul : ‘Vas-y ! Sois fou !’ »
Ledit Paul Giametti incarne Aleksi Sytsevich, alias Rhino, un méchant qui fonce dans le tas. « Paul Giametti a dit un jour dans l’émission de Conan O’Brien qu’il adorerait incarner Rhino, raconte Marc Webb. Je suis un grand fan de Paul et je voulais introduire le personnage de Rhino. Il n’apparaît pas beaucoup dans le film mais ce qu’il fait est extraordinaire. Il est tellement drôle. Il apporte cette folie douce que je voulais pour ce film. Le comic Spider-Man a toujours possédé un côté espiègle. On a ajouté un niveau d’humour physique à la Buster Keaton et Charlie Chaplin. Spider-Man est encore un gamin. Il est joueur et il a cette attitude punk rock que vous avez pu apprécier quand il récupère son diplôme, avec Gwen. »
Un film bleu électrique
Il va cependant perdre le sourire en affrontant le « vrai » méchant du film : Electro. « Nous parlions déjà d’Electro avant même le Spider-Man de Sam Raimi, précise Avid Arad. Jim Cameron avait écrit un traitement et il avait choisi Electro comme méchant. A l’époque, on a juste flirté avec cette idée. C’est un personnage visuel, fascinant, puissant et différent. Avec sa crise de moralité, il est un ennemi parfait pour Spider-Man. » Jamie Foxx incarne les deux facettes du personnage : le triste et gauche Max Dillon et, après une heure et demie de maquillage, son alter ego bleu, Electro, qui a le pouvoir de produire et de maîtriser l’électricité. « Electro est le côté noir de Spider-Man, souligne Andrew Garfield. Max, comme Peter, se sent mis à l’écart par la société. Il a ce pouvoir mais ne sait pas comment s’en servir. La méchanceté d’Electro est née de sa souffrance, l’héroïsme de Peter est né de sa souffrance. Qui sait ce qui nous fait aller plus vers le bien ou le mal : l’affection, l’éducation, le destin, l’âme… ? »
Sur le plateau, l’équipe change de plan. Elle installe une troisième caméra sur un traveling devant l’estrade. Beaucoup de figurants profitent de la pause pour aller se mettre à l’ombre des arbres du parc. Certains s’assoient dans l’herbe restée fraîche. Des assistants circulent avec des bidons d’eau et des gobelets. Une grosse barge de détritus passe au loin, sur l’East River. Un hors-bord la double dans un gros vrombissement. C’est la saison des amours pour les écureuils. Une dizaine d’entre eux se pourchassent dans les arbres, faisant tomber des bouts de branches et des feuilles. Andrew Garfield a retiré sa toge, dévoilant un t-shirt blanc du magazine de skateboard Thrasher. « La relation entre Peter et Spider-Man est toujours aussi compliquée, rappelle-t-il. Il y a deux personnalités : Spider-Man est le grand frère et Peter est le petit frère dans son ombre. Spider-Man possède ce don génial et reçoit toutes les louanges et l’adulation. Peter n’a rien de tout ça. Il est même destiné à être seul à cause de ses pouvoirs. Je ne sais pas s’il sera un jour heureux. C’est une question que l’on explore dans ce film. Ce serait bizarre s’il était heureux. Il ne serait pas à l’aise très longtemps. Si un problème ne surgissait pas, il en créerait un. »
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