Ce n’est qu’après le succès de Split que M. Night Shyamalan a prévenu Samuel L. Jackson que Glass, le troisième film de sa trilogie commencée avec Incassable, allait enfin voir le jour. L’acteur ne s’est pas fait prier pour retrouver le personnage d’Elijah Price qu’il affectionne particulièrement et un réalisateur qu’il a trouvé nettement plus détendu qu’il y a 19 ans. Glass sort en salles ce 16 janvier.

Samuel L. Jackson dans le rôle d’Eliah “Mr. Glass” Price

M. Night Shyamalan a-t-il dû vous convaincre de reprendre le personnage d’Elijah Price, alias Mr. Glass, pour Glass ?

Non. Il m’a promis ce boulot il y a 18 ans. Il disait à l’époque qu’il ferait trois films et on n’en a fait qu’un. A chaque fois que je le voyais, je lui disais : « Et donc ? On va faire ces deux autres films ou pas ? » Et puis un jour, il m’a appelé pour me dire : « Je viens de faire ce film, Split. Tu dois le voir. J’ai organisé une projection pour toi. » Donc, je suis allé voir ce film et j’ai vu la scène finale. Je lui ai demandé : « Et ça veut dire quoi ? » « Juste que si ce film a du succès, nous allons faire cet autre Incasssable. » « Tu veux dire le deuxième ou le troisième film ? » « Split est le deuxième, donc… » « Comment ça peut être le deuxième si je ne joue pas dedans ? » (Rires) Et me voilà. Peut-être qu’il y a un autre épisode dont on ne soupçonne pas encore l’existence. (Sourire)

Etait-ce difficile de retrouver ce personnage après autant d’années ? Avez-vous dû faire un effort de mémoire ou revoir Incassable, par exemple ?

Pas vraiment. Mon personnage s’est retrouvé tout seul mais c’est un enfant unique, il y est donc habitué. (Rires) Il est dans cet institut depuis 18 ans. Il a été examiné, psychanalysé et je ne sais quoi d’autre. Il a vécu sa vie en suivant David Dunn d’une façon plutôt intéressante afin de voir s’il utilisait ses aptitudes. Ce qui est drôle, c’est que c’est ce qu’il a fait pendant 18 ans alors que Glass se passe deux semaines après la fin de Split. Il sait donc que Kevin Crumb est quelque part dehors, qu’il est surnommé « La Bête » et qu’il représente quelqu’un de nouveau qu’il veut étudier. Et tout à coup, on lui livre cette personne sur un plateau.

Avez-vous découvert quelque chose de nouveau au sujet de Mr. Glass ?

Oui, il est vieux. (Rires) Comme quoi ? Que voulez-vous savoir de plus sur lui que vous ne sachiez pas déjà ? Il est très intelligent et très fragile. C’est à peu près tout.

Samuel L. Jackson et James McAvoy

Quel a été votre plus grand défi sur Glass ?

Je ne sais pas. Je suis plutôt calme dans ce film, ce qui est un bien. Je crois que rester juste assis, écouter ce qui se passe autour de moi et ne pas réagir ou essayer de ne pas montrer que je fais vraiment attention à tout, demande finalement un vrai travail. C’était dur d’être dans cette pièce avec James McAvoy quand il joue sept personnages différents en train de se disputer. Vous êtes assis là, vous le regardez et vous devez faire comme si vous n’étiez pas fasciné par sa performance, comme si vous vous y attendiez. Alors qu’en fait, vous pensez : « Wow, c’est cool. » (Rires) C’était juste génial de le regarder.

Vous aidez-vous de la musique pour jouer ?

J’écoute beaucoup de musiques différentes quand je tourne mais cela n’a rien à voir avec ce que je fais. Je ne suis pas ce genre d’acteur. Je n’utilise pas la musique pour me mettre dans l’ambiance. Je n’arrive pas sur le plateau et je ne décide pas tout à coup que je vais être Elijah pendant 12 heures et faire chier les gens comme je le fais d’habitude. (Rires) J’ai déjà tout préparé dans ma tête avant d’arriver sur place.

Comment M. Night Shyamalan a-t-il évolué en tant que réalisateur depuis Incassable ?

Il est moins dictatorial que quand on s’est rencontrés la première fois. Il sortait tout juste du succès de Sixième sens et il pensait tout savoir. « Ne cligne pas des yeux dans cette scène. Ne fais pas de pause ici. Fais ci. Fais ça. » Il était très [il frappe la table du poing plusieurs fois pour montrer que Night était buté]. Cette fois, il était plutôt : « Tu te souviens de la façon dont tu voulais dire cette réplique ? Maintenant, tu peux. » (Il prend un air satisfait) Aaah. Pendant toutes ces années, il a traversé cette industrie, ses films n’ont pas tous été de grands succès, il a pris des coups qui lui ont remis les pieds sur terre de façon plutôt intéressante. Et puis, Glass est un sujet qui lui est connu mais qui est aussi familier pour d’autres personnes qui se sentent tout autant concernées que lui. Il nous a laissés apporter ce que nous voulions dans ces personnages plutôt que de nous imposer sa vision des choses et dire : « Voilà ce que vous devez faire. » Parce que non, on ne va pas faire ça. (Sourire) Il s’est détendu. (Sourire)

Voyez-vous Incassable et Glass comme des films de superhéros ?

Pas vraiment. Mais la mythologie derrière les superhéros vient bien de quelque part. Est-ce que les gens ont imaginé tout ça ? Ou en ont-ils été témoins ? Il existe encore cette énigme. Et il y a ce truc de l’esprit contre la matière : les gens imaginent-ils qu’ils sont super forts ou peuvent-ils vraiment devenir comme ça ? Les gens ont-ils vraiment vu ce dieu voler en provenance du nord avec un gros marteau ? Je ne sais pas. Mais il y a une grande différence entre les films de Marvel ou de DC et ce que nous faisons dans Glass. Nous parlons de la croyance des gens dans les superhéros ou du fait que s’ils se croient eux-mêmes des superhéros, c’est qu’ils sont malades ou qu’ils hallucinent. Font-ils réellement ce qu’ils font ou croient-ils seulement qu’ils le font ? Si des témoins vous voient le faire, c’est que vous le faites, non ? Et il y a quelqu’un qui essaye de nous convaincre que ce que nous croyons n’est pas réel.

C’est le personnage de Sarah Paulson.

Oui. On est dans un hôpital psychiatrique. Il y a forcément quelqu’un pour vous dire pourquoi vous êtes là. (Rires)

Comment était-ce de travailler avec elle ?

Elle est géniale. Fantastique. Merveilleuse. J’adore regarder son travail, qu’elle ait une tête ou deux. (Rires)

Dans la bande annonce, Charlayne Woodward, qui joue la mère d’Elijah Price, dit : « Ils sous-estiment toujours le génie. » Est-ce que c’est seulement parce qu’Elijah est diminué physiquement que tout le monde pense qu’il est inoffensif ?

Cela arrive à beaucoup de gens et dans beaucoup de situations. J’ai donné un zézaiement à Valentine, mon personnage dans Kingsman : Services secrets, pour montrer que ce n’est pas parce que des gens ont un trouble de l’élocution qu’ils ne sont pas aussi intelligents que les autres. Beaucoup disent que ces personnes ne peuvent pas faire ceci ou cela et ils alors les sous-estiment. Donc oui, la maladie d’Elijah, sa fragilité, a toujours donné une excuse aux gens pour le considérer amoindri et il utilise ça à son avantage.

Dans votre filmographie, vous jouez souvent des personnages qui parlent…

Beaucoup.

…et vite. Comment cela se fait-il ?

Elijah parle beaucoup mais il ne parle pas vite. Tant de choses lui passent par la tête. Mais je crois que cette réputation vient plus ou moins du fait que les gens ont réalisé que je peux apprendre mes répliques très vite, que je peux m’en souvenir et les ressortir. (Rires) J’ai fait trop de théâtre.

Comment était-ce de tourner dans un hôpital psychiatrique?

C’était un hôpital psychiatrique abandonné horrible et effrayant où des trucs bizarres sont arrivés et on peut en témoigner. On tournait dans une partie du bâtiment et il y avait une salle de bain trois couloirs plus loin où les lumières s’allumaient et s’éteignaient d’elles-mêmes. Les gars faisaient lustrer les ascenseurs et quand on revenait, on trouvait des empreintes de mains partout. Ce genre de trucs bizarres. C’est un endroit où vous ne voulez vraiment pas rester tout seul. (Rires) Il y avait aussi une pièce avec des engins pour torturer les gens avec de l’eau…

Croyez-vous au surnaturel maintenant ?

J’ai grandi dans le Sud. J’ai discuté avec ma grand-mère et mon grand-père et j’ai vu assez de trucs bizarres pour savoir que le monde n’est ni tout blanc ni tout noir comme les gens voudraient que nous le pensions. (Rires) Parfois, vous devez demander aux gens : « Vous savez vraiment ce que faites ? » Il y a eu ce film, il y a quelques années, qui parlait de la Santería. Je me souviens avoir lu le scénario et quand j’ai passé l’audition, j’ai demandé aux types : « Allez-vous vraiment faire ça ? Quand vous invoquez des esprits, que pensez-vous qu’il peut arriver ? » « On aura un prêtre de la Santería sur le plateau. » « Vraiment ? Et vous pensez que ça va suffire ? » Je suis content de ne pas avoir eu le rôle car ils ont fait le film et je crois que trois personnes sont mortes pendant le tournage. (Rires)

Crédit photos : © Universal Pictures / Disney