Dans Les Sauvages, Roschdy Zem incarne Idder Chaouch, le premier président français d’origine algérienne. Une fiction qui le restera selon lui. En tout cas de son vivant. L’acteur-réalisateur franco-marocain aura 54 ans cette année. La saga romanesque de Canal+ est créée par Rebecca Zlotowski et Sabri Louatah d’après les romans de ce dernier où se déchirent deux familles sur fond d’attentat politique et de conflits de société. La série commence sa diffusion ce 23 septembre, pour six épisodes.
Aviez-vous des réticences à accepter ce rôle de président de la République ?
Roschdy Zem : J’avais peur que le rôle soit essentiellement et uniquement symbolique. Toute la sphère autour de l’événement, et notamment dès qu’on descend dans l’échelle sociale, je trouvais ça passionnant mais j’avais peur que le rôle soit de l’ordre de l’icône et qu’il ne me permette pas de m’épanouir. Rebecca [Zlotowski, la réalisatrice, NDLR] m’a dit : « Fais-moi confiance. » J’ai dit non. Il n’y avait qu’un épisode écrit à l’époque. Après oui, elle m’a rassuré. J’ai lu les cinq épisodes suivants et dans leur démarche, on échappe à ce que j’appréhendais. Le sujet est audacieux et pertinent. Leurs origines sont prétextes à mais elles deviennent assez vite anecdotiques. On est tous des personnages assez complexes et très différents. Il y a une démarche presque anglo-saxonne. C’est établi, ils sont tous d’origine étrangère mais ce sont avant tout des Français qui vivent dans ce pays, avec leur parcours, leurs blessures et leurs contradictions. Et c’est là où on progresse dans les projets artistiques en ce moment. Leurs origines finalement, ce n’est pas le cœur du problème, ce n’est pas un sujet brûlant pour eux. Pour les autres oui, mais pas pour eux. C’est totalement sociétal. Personne n’est vraiment blanc-blanc. Sortir du politiquement correcte et créer des personnages qui ont leurs contradictions et pour lesquels on va chercher leur plus bas instincts, c’est ce que je trouve pertinent et intéressant aujourd’hui. Si on se projette sur la saison 2, je trouverai ça intéressant que Chaouch soit un mauvais président. Qu’il soit un peu comme Macron. Qu’on fonde plein d’espoirs en lui et qu’en fait, le type n’est pas meilleur qu’un autre.
Vous êtes-vous inspiré d’un président en particulier pour construire Idder Chaouch ?
Les présidents les plus médiatisés comme Obama sont toujours présents dans notre inconscient. Mais on a plutôt été cherché l’humanité dans ces personnages. On ne voulait pas faire des ersatz de présidents existants. La comparaison existera évidemment. Un président issu de fils d’immigrés, forcément, le parallèle avec Obama se fait naturellement. Pour trouver mon président et le composer, je n’ai regardé aucune vidéo de présidents. J’ai imaginé si moi, avec ma personnalité, je devenais président demain. Je voulais rester à hauteur d’homme.
Votre Idder Chaouch des Sauvages la série est-il fidèle au Idder Chaouch des Sauvages du livre ?
Mon personnage est plus pernicieux dans le livre. Là, il a cette sagesse, une forme d’empathie naturelle pour son entourage. C’est le distinguo entre le livre et la série. C’est un bon. Il a une dimension spirituelle dont on peut rêver pour un président. J’ai noté une autre différence notoire entre la série et le livre. Rebecca aime plus ses personnages que Sabri [Louatah, auteur des livres et de leur adaptation, NDLR]. C’est un vrai parti pris de ne pas aimer ses personnages. Ce n’est pas une forme de mépris, quoique parfois si. C’est aussi le travail du réalisateur, ici Rebecca, d’aimer ses personnages quels qu’ils soient. Cette différence a son importance. C’est ce qui m’avait gêné dans le livre : cela me paraissait délicat de faire une série avec des personnages qu’on n’aime pas.
Comment définiriez-vous Les Sauvages ?
C’est de la science-fiction.
C’est si utopique pour vous qu’un président d’origine algérienne soit élu ?
De notre vivant ? Oui. Soyons raisonnables deux secondes. Il y a 36 000 maires en France donc des élus locaux. Il n’y a aucun musulman. Comment voulez-vous qu’au niveau national on puisse avoir un président musulman. Il faut être sérieux deux secondes. Mais ce n’est pas grave. Ce qui est important, c’est que le jour où ça arrive, il faut qu’il soit élu non pas parce qu’il est musulman mais sur ses compétences. Cela dit, je pense que la France, les Français, ne sont pas prêts. Pas du tout. Je n’y crois pas une seconde. Il n’y a pas un maire d’une grande ville comme à Londres ou à Washington où il y a un noir homo, je crois. On reste dans les minorités. Les Anglo-saxons sont un peu en avance parce qu’ils assument complètement l’aspect communautaire d’un pays alors que nous, on se bat contre ça, contre le repli communautaire. Moi, je n’y crois pas. En même temps, quelque part, je ne le vis pas comme un drame parce que, encore une fois, quand ça arrivera, il ne faudra pas que ce soit parce qu’il est musulman. Sinon, on va droit dans le mur. (Pause) Alors quand même je vous le dis parce que j’ai dit ça une fois à une émission de télé. Quelqu’un m’a écrit pour me dire qu’il y a une femme musulmane maire dans un village de 700 habitants. Alors que ce soit une femme, c’est déjà pas mal, mais en plus musulmane. Du coup, j’en ai profité pour voir le nombre de femmes élues locales. Sur 36 000 maires, il y a 3 ou 4 000 femmes. [En fait, elles sont 16% soit environ 5 760, NDLR.]
Selon vous, la France a plus de chance d’avoir une femme présidente qu’un président musulman ?
Une femme présidente musulmane. Et lesbienne. (Sourire) J’en profite pour rebondir. L’équipe de foot féminin américaine. C’est génial quand même. Il n’y a pas un joueur de foot professionnel qui a le cran et l’implication politique de ces joueuses. [Elles défendent ouvertement la cause LGBT et cinq d’entre elles ont fait leur coming out, NDLR] C’est formidable. Cette façon d’assumer. Et en groupe. Ce n’est pas un élément isolé. C’est beau.
Crédit photos : © Canal+
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