Pour incarner J. Robert Oppenheimer, Christopher Nolan a fait appel à Cillian Murphy, l’un de ses acteurs fétiches. Le réalisateur l’a en effet fait tourner dans cinq autres de ses films (la trilogie Dark Knight, Inception et Dunkerque) mais c’est la première fois qu’il lui confie le personnage principal. En interprétant le célèbre physicien, le comédien de 28 jours plus tard et de la série anglaise Peaky Blinders s’est rarement senti aussi responsable d’un rôle. Oppenheimer sort en salles ce 19 juillet.
Qui était J. Robert Oppenheimer ?
J. Robert Oppenheimer est connu comme “le père de la bombe atomique” et le fondateur de la physique théorique moderne aux Etats-Unis. Physicien d’une intelligence hors du commun, il était miné par des conflits éthiques. “On cherchait à restituer la complexité d’Oppenheimer,” note son interprète Cillian Murphy. “Il était tout sauf un homme simple. D’ailleurs, la simplicité ne caractérise aucun des personnages du film. Posséder une telle intelligence peut être encombrant. Ces gens-là évoluent dans de tout autres sphères que nous, simples mortels. Cela s’accompagne de difficultés dans leur vie privée et de questionnements d’ordre moral. C’était la complexité du projet. Il fallait évoquer le périple éthique d’Oppenheimer qui cherche constamment à passer entre les gouttes tant qu’il collabore au Projet Manhattan, puis, par la suite, parler de ses prises de position par rapport à la politique nucléaire de l’après-guerre et montrer que ses changements de point de vue l’ont mis en porte-à-faux avec d’autres personnes.”
Comment Cillian Murphy s’est-il préparé ?
Pour sa préparation au rôle, Cillian Murphy a lu American Prometheus et d’autres ouvrages et a visionné des heures d’images d’archives de conférences et interviews de Robert Oppenheimer. Il a collaboré avec le réalisateur Christopher Nolan et la cheffe costumière Ellen Mirojnick pour mettre au point le style particulier de l’homme : son regard profond, sa posture, sa pipe, son chapeau. “Je n’ai pas cherché à imiter Robert Oppenheimer,” précise le comédien. “Il s’agit d’un Oppenheimer tiré de l’homme que l’on découvre dans les images d’archives et du scénario de Chris. Il a fallu du temps pour parvenir à une synthèse dans la représentation et l’interprétation du personnage.”
Cillian Murphy a également consulté le célèbre physicien Kip Thorne pour mieux cerner son domaine d’expertise et le concept de fission. Mais il n’a pas cherché à tout prix à comprendre l’intégralité des notions scientifiques et philosophiques complexes qu’Oppenheimer maniait facilement. “La plupart des gens ne réfléchissent pas à l’existence de l’homme, à la construction du monde et à notre place dans l’univers comme le faisait Oppenheimer – et n’en a pas les capacités – et certainement pas à travers le prisme de la mécanique quantique, avec ses subtilités et son appétence pour les paradoxes,” indique l’acteur. “Du coup, il aurait été vain que je passe six mois à tenter de comprendre ces concepts. Je me suis contenté d’en cerner les grandes lignes, puis d’en faire ressortir l’humanité, car c’est ce qu’il y a de plus important pour le film.”
“C’est une histoire d’une grande richesse thématique, mais racontée de manière très humaine,” poursuit le comédien. “Le film n’est pas un cours d’histoire, il ne se veut ni didactique, ni normatif, et il n’assène pas au spectateur ‘voilà ce que vous devez en retenir’. Mais, bien évidemment, les gens peuvent faire des parallèles et réfléchir aux événements actuels avec inquiétude. Les films qui suscitent la réflexion font partie intégrante du paysage cinématographique. Je trouve que Chris s’y prend toujours de manière captivante et audacieuse.”
Epilogue [SPOILER]
Le film de Christopher Nolan s’achève sur le verdict de l’audition de sécurité de J. Robert Oppenheimer en avril et mai 1954. Le gouvernement américain accusait le physicien d’espionnage pour l’Union soviétique. A l’époque, les États-Unis sont en plein maccarthysme. Le comité conclut que Robert Oppenheimer n’est plus apte à servir les États-Unis. Le scientifique se voit ainsi refuser le renouvellement de son habilitation de sécurité.
Après cette audition, J. Robert Oppenheimer poursuit son travail de directeur de l’Institute for Advanced Study ou IAS (Institut d’étude avancée), à Princeton, New Jersey. Il donne des conférences aux Etats-Unis et en Europe. La France le fait officier de la Légion d’honneur en 1957 et le Royaume-Uni membre étranger de la Royal Society en 1962. Au nom de John F. Kennedy, Lyndon B. Johnson lui décerne le prix Enrico Fermi récompensant l’ensemble de sa carrière en 1963. Diagnostiqué d’un cancer de la gorge en 1965, il meurt le 18 février 1967 à l’âge de 62 ans.
La bombe atomique à peine inventée, J. Robert Oppenheimer est de plus en plus préoccupé par le danger potentiel que les inventions scientifiques peuvent représenter pour l’humanité. Dans ses discours et ses écrits publics, il ne cessera également de souligner la difficulté de gérer le pouvoir de la connaissance dans un monde où la liberté de la science d’échanger des idées est de plus en plus entravée par des préoccupations politiques.
Crédit photos : © Universal Pictures