Le Sony’s Spider-Man Universe s’étoffe. Après le personnage de Venom, le studio Sony Pictures porte sur le grand écran Morbius, le pseudo-vampire de Marvel Comics. Interprété par Jared Leto, cet antihéros tragique pourrait donner naissance à une nouvelle franchise et partager l’écran avec d’autres super-héros et super-méchants. Morbius sort en salles ce 30 mars.
La genèse
En 2015, Sony Pictures concluait un accord avec Marvel pour leur louer Spider-Man afin qu’il fasse ses débuts dans le Marvel Cinematic Universe. Le studio avait parallèlement de bien plus grandes ambitions : construire son propre univers cinématographique. Ce dernier serait basé sur les quelque 900 personnages de Marvel Comics liés à l’Homme-araignée dont il possède les droits d’adaptation au cinéma. L’idée est alors de miser sur des spin-offs fonctionnant sans Peter Parker. Le premier a été Venom en 2018. Les 856 M$ de recettes qu’il a engrangé ont conforté Sony à développer d’autres projets. Les longs métrages Silver Sable, Black Cat, Kraven le Chasseur ou encore la série “Silk” sont à différents stades de production. Mais pour l’heure, c’est Morbius qui entre en scène.
L’idée d’adapter Morbius sur grand écran s’est concrétisée en 2017. En novembre de cette année-là, Matt Sazama et Burk Sharpless rendent leur scénario, qu’ils ont écrit en secret. Tous deux se sont déjà essayés à l’histoire de vampire avec Dracula Untold (2014). Dernièrement, le duo a signé le reboot Power Rangers (2017) et la série de Netflix, “Perdus dans l’espace” (2018-2021).
Sony approche ensuite divers réalisateurs. Antoine Fuqua et F. Gary Gray refusent après avoir étudié la question. Daniel Espinosa accepte. Il vient de mettre en scène le film de science fiction et d’horreur Life : Origine inconnue (2017). Il signe son contrat en même temps que Jared Leto après qu’ils se soient rencontrés. L’acteur a exigé un droit de regard sur le choix du réalisateur avant de dire oui.
Naissance du pseudo-vampire
Morbius est apparu pour la première fois en octobre 1971 dans “The Amazing Spider-Man #101” de Marvel Comics. Ce numéro consacré à Spider-Man est le premier qui n’est pas écrit par Stan Lee, co-créateur de l’Homme-araignée. Morbius est également le premier vampire à apparaître dans le monde des super-héros. Jusqu’ici, la Comics Code Authority de 1954 interdisait les vampires et d’autres personnages surnaturels dans les comics. Elle les considérait comme malsains pour un divertissement. A la levée de cette restriction en 1971, l’auteur Roy Thomas, bras droit de Stan Lee, parle alors d’écrire un comic sur Dracula. Mais Stan Lee veut un méchant en costume. Roy Thomas crée donc le personnage de Morbius et Gil Kane le dessine, en s’inspirant de Jack Palance.
Génie intellectuel, biochimiste talentueux et prix Nobel de médecine, le Dr Michael Morbius est atteint d’une maladie du sang rare et incurable. Pendant son enfance en Grèce, les autres enfants le maltraitent à cause de sa santé fragile et de ses infirmités. Cela incite le jeune homme à exceller dans ses études, obtenant des doctorats en biochimie et en médecine avec une spécialité en hématologie.
Déterminé à se guérir lui-même, il développe un remède à base de sang de chauve-souris. Mais dans la grande tradition des scientifiques fous, cette procédure expérimentale le transforme en un véritable monstre. Celui-ci est assoiffé de sang humain. Morbius surnomme sa nouvelle condition le “pseudo-vampirisme” car il hérite également d’un certain nombre de superpouvoirs traditionnellement associés au mythe du vampire : force, vitesse, écholocalisation… S’il supporte difficilement la lumière du soleil, il ne connaît pas les faiblesses des vampires traditionnels. Croix, eau bénite, argent et autre gousse d’ail ne l’affectent en rien.
Physiquement, Morbius est horriblement défiguré quand sa transformation est complète. Ses yeux exagérés et inclinés semblent être en permanence dans l’ombre. Son nez aplati rappelle celui d’une chauve-souris. Sa bouche est délibérément grande et ses dents longues et acérées. Sa peau est blanche comme l’ivoire.
Entre le bien et le mal
Dès lors qu’il tente de surmonter le manque de sang, Morbius est pris en étau entre plusieurs facettes de sa personnalité. Morbius, altruiste, bienveillant et aux valeurs humanistes, est à la recherche du bien, d’un remède pour lui et ceux qui souffrent de la même maladie. Au cours de sa quête, il se transforme cependant en une créature qu’il déteste et doit se résoudre à accepter la bête qui sommeille au fond de lui. Terrifié, il a peur de ses propres pouvoirs et craint qu’ils ne prennent possession de lui et ne le transforment irrémédiablement. Si bien qu’il tente constamment de leur résister. Pour devenir un héros, il doit accepter son destin et se convaincre qu’il restera le même, tout en apprenant à maîtriser ses pouvoirs.
Dans le comic, Roy Thomas a d’abord imaginé Morbius comme un ennemi mortel de Spider-Man, puis comme un redoutable adversaire de Blade, le chasseur de vampires. Il n’a cependant pas fallu longtemps pour que le personnage devienne un antihéros tragique et justicier torturé.
Jared Leto est Morbius
Ce n’est pas la première incursion de Jared Leto dans le monde des super-héros. Il a déjà interprété The Joker dans Suicide Squad (2016) de la maison rivale DC. Cette fois, il s’avoue séduit par la lutte du personnage face à sa maladie et les implications morales d’un héros qui a soif de sang.
“Il y a une réplique dans le film où il dit qu’il a été mourant toute sa vie et qu’il se sent à présent plus vivant que jamais, explique le comédien. Et je pense que cela le résume bien. Voilà quelqu’un qui a souffert d’une horrible maladie, qui a été confronté à toutes sortes de défis et qui a cherché une solution. Et soudainement, il possède cette puissance et cette force physique, ce qui est incroyable, mais il y a aussi une contrepartie. Il y un côté obscur. Il livre cette bataille entre la lumière et les ténèbres pendant tout le film.”
Un visage digital
Jared Leto et Daniel Espinosa ont convenu de faire appel aux effets visuels, et non aux prothèses et au maquillage, pour l’apparence de Morbius. Dans Morbius, les vampires jouent, prononcent des dialogues, expriment des émotions. Il fallait donc que leurs expressions soient aussi crédibles que celles des acteurs. Il fallait qu’on reconnaisse Jared Leto même lorsqu’il s’est transformé en vampires. Le superviseur des effets visuels Matthew E. Butler a cherché à conserver autant de ses traits que possible, même s’il s’agit d’un monstre repoussant.
Une solution consiste à filmer ses différentes allures physiques et à manipuler le visage. Parfois le résultat s’éloigne carrément de son enveloppe humaine mais il est malgré tout nécessaire de garder ses mimiques, ses petites expressions, tous ces détails qui révèlent qui il est, même si la physionomie de la créature est assez différente. L’acteur joue la scène en plateau, puis l’équipe des effets visuels “capte” les moindres nuances de son jeu et de ses expressions grâce à de minuscules capteurs fixés sur son visage et à des caméras embarquées pour casques. Le logiciel est ensuite capable de transposer le jeu de l’acteur en une prestation de créature qui est radicalement différente.
L’attaque façon chauve-souris
Le chef-cascadeur Gary Powell a supervisé toutes les scènes d’action de Morbius. Il s’agissait notamment d’imaginer les techniques de combat du protagoniste, sachant que celui-ci n’a jamais eu d’entraînement avant d’acquérir ses pouvoirs. Pour trouver l’inspiration, Gary Powell s’est plongé dans les albums. Il s’est intéressé à la force physique de Morbius afin de s’assurer qu’il serait fidèle au personnage. Le scientifique n’est pas un combattant aguerri – tout au moins, au départ. Lorsqu’il acquiert ses pouvoirs, il ne les maîtrise pas bien. Il est comme un animal sauvage, agissant de manière chaotique. A mesure que progresse l’intrigue, il apprend à contrôler sa rage et à la retourner à son avantage. Il possède des griffes et s’en sert désormais plus que ses poings.
A travers ses expériences, Morbius comprend qu’il a acquis une agilité extraordinaire grâce à ses pouvoirs. Pour ces scènes, Gary Powell a fait appel à Greg Townley, l’un des plus grands acrobates au monde, pour qu’il assure la doublure de Jared Leto. Les acrobaties dans les airs s’inspirent des discussions avec le comédien. Ce dernier a expliqué, en amont du projet, comment, sous sa forme monstrueuse, il allait se déplacer. Les cascadeurs se sont ensuite documentés sur les chauves-souris et leur manière de s’attaquer entre elles.
Sur les pas de Morbius
Pour le tournage, la production a investi les studios de Pinewood, au Royaume-Uni. Ces derniers ont aussi accueilli l’Horizon Lab du docteur Morbius, qui abrite une cage cylindrique de chauve-souris s’étendant du sol au plafond. D’autres décors ont été construits aux Fountain Studios de Wembley. Les plans d’extérieurs de New York ont été tournés à Manchester, où les bâtiments en briques et les entrepôts du XIXème siècle campent remarquablement la Grosse Pomme. Une partie désaffectée de la station de métro de Charing Cross, à Londres, a été aménagée pour figurer les tunnels du métro new-yorkais. L’équipe a tourné la séquence sur un porte-containeur en six jours et dans trois lieux différents : le Science Park, à Dagenham, reconverti en labo ; le bâtiment Old Horlicks à Slough, abritant les couloirs du navire ; et, pour le pont extérieur, le HMS Belfast, qui stationne sur la Tamise.
Crédit photos : © Sony Pictures / Columbia Pictures