35 ans. C’est le laps de temps qui sépare l’idée de George Lucas de créer un nouvel héros et la sortie de sa quatrième aventure, Indiana Jones et le royaume du crâne de cristal. 35 ans de péripéties incroyables, de grands bonheurs, de petites désillusions mais surtout de rêve et de magie. Retour sur une quadrilogie tout simplement exceptionnelle.

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La création d’Indiana Jones est devenue une vraie légende. En mai 1977, George Lucas et Steven Spielberg font des châteaux de sables à Hawaï. Le premier veut échapper à la sortie de La Guerre des étoiles, le second se repose de Rencontre du troisième type. Les deux compères se sont rencontrés en février 1968, lors d’une rétrospective des films des étudiants d’USC (University of Southern California), au Fairfax Theater de Los Angeles. La sélection des courts métrages s’achève avec celui de George Lucas, THX 1130:4EB. Impressionné par ce qu’il voit, Steven Spielberg veut rencontrer le réalisateur. Leur amitié née ce jour-là ne s’est jamais démentie.

Un certain Indiana Smith

C’est donc en toute amitié que George Lucas demande à Steven Spielberg ce qu’il veut faire après Rencontre du troisième type. Il lui répond qu’il espère réaliser un James Bond, bien que chasse gardée des Anglais. George Lucas lui assure qu’il a mieux et lui parle d’un certain Indiana Smith.

LucasEn 1973, George Lucas regrette de ne plus voir de séries et de films comme il en voyait dans sa jeunesse au cinéma de Modesto, en Californie. Il aimait ces serials qui laissaient leur héros en mauvaise posture jusqu’à l’épisode suivant. Féru d’histoire et d’anthropologie, il imagine un archéologue parcourant le monde à la recherche d’antiquités, pas pour sa propre fortune ni gloire, mais pour un musée, histoire de légitimer ses méthodes peu orthodoxes. Indy est déjà un cynique au coup de poing facile mais il fait partie des gentils. En 1975, alors qu’il travaille sur le scénario de La Guerre des étoiles, il discute de son projet avec le réalisateur Philip Kaufman (La Légende de Jesse James). Ce dernier se souvient de l’histoire de l’Arche d’alliance que son dentiste lui a racontée quand il avait 11 ans. George Lucas veut qu’il écrive et réalise le film mais il a déjà accepté de travailler sur Josey Wales, hors-la-loi. George Lucas met alors Indy de côté et retourne à sa Guerre des étoiles.

Un chapeau, un blouson, un fouet

Jusqu’à mai 1977 et ses vacances à Hawaï. Ce n’est pourtant que deux ans plus tard que le projet se concrétise. George Lucas confie au dessinateur de comics Jim Steranko le soin de créer une première approche visuelle du personnage : chapeau sur la tête, blouson de cuir sur le dos et fouet à la main. Il le place au cœur d’une bataille dans le désert puis dans trois autres situations qui deviendront des scènes clés du film : cerné par des serpents, sautant de son cheval sur un camion et se battant sous les ailes d’un avion. George Lucas engage ensuite le scénariste Lawrence Kasdan. Steven Spielberg a aimé son scénario Continental Divide. Les trois hommes se réunissent pendant trois jours. George Lucas fournit une vision générale, l’intrigue et la structure du film et, avec Steven Spielberg, les scènes clés. Lawrence Kasdan développe les personnages, fait que les pièces du puzzle s’imbriquent et que l’histoire fonctionne, avec style. Utilisant les cent pages de retranscription de leur conversation, le scénariste écrit une première mouture : 60 scènes avec six grands moments de suspens et de l’action toutes les deux pages. Il livre sa cinquième et dernière réécriture en avril 1980.

06Indiana Smith a gardé son prénom, celui du malamute de George Lucas, mais a changé de nom. Steven Spielberg le trouvait trop proche de Nevada Smith, un personnage interprété par Steve McQueen dans un film éponyme. George Lucas a alors proposé Jones. Le personnage s’étoffe également. George Lucas l’imagine en playboy qui finance son train de vie grâce à ses explorations. Mais Steven Spielberg et Lawrence Kasdan estiment que sa double activité de professeur d’université et d’aventurier suffit amplement. En revanche, Steven Spielberg veut faire de lui un alcoolique, comme le personnage joué par Humphrey Bogart dans Le Trésor de la Sierra Madre. Cette fois, c’est George Lucas qui met son veto : il veut un héros positif, pouvant servir de modèle pour les jeunes. Loin de l’archéologue rat de bibliothèque ennuyeux ou roi du pinceau pour désensabler une poterie, il veut un descendant de James Bond et de Tintin, un héros humain qui s’en prend plein la tronche, qui souffre, qui saigne, qui a peur des serpents mais qui s’en sort toujours.

Casting culinaire

Le projet déjà bien avancé, George Lucas le propose aux grands studios d’Hollywood. Avec des conditions draconiennes : budget de 20 M$, distribution du film aux frais du studio, gros salaire et bon pourcentage sur les recettes du box office pour lui et Steven Spielberg. Paramount Pictures accepte ce qui est déjà surnommé le « killer deal » (le contrat tueur) de George Lucas. Mais le studio ajoute quelques conditions dont une option sur les suites éventuelles et de fortes pénalités en cas de dépassement des délais de tournage et de budget. Steven Spielberg est connu pour avoir explosé le plan de travail des Dents de la mer de 100 jours, celui de 1941 de 50 jours et celui de Rencontre du troisième type de 15 jours. Grâce à la supervision de George Lucas, Les Aventuriers de l’arche perdue sera le premier film où il respectera budget et délais. Il le finira même avec 12 jours d’avance.

Pour incarner Indiana Jones, Steven Spielberg suggère d’emblé Harrison Ford. Mais George Lucas préfèrerait un quasi inconnu. Le casting commence donc à Los Angeles, dans la cuisine de Lucasfilm. Les acteurs convoqués entre 9h et 13h cuisinent des gâteaux, ceux convoqués entre 14h et 19h les mangent. Bizarrement, beaucoup de comédiens demanderont à venir l’après-midi. Après plusieurs mois, le rôle est proposé à Tom Selleck. Ce dernier vient de se faire connaître grâce au pilote d’une série télé, Magnum, qui a obtenu de bons chiffres d’audience lors de sa diffusion. La chaîne CBS refuse cependant de libérer le comédien. L’ironie veut qu’une grève retarde le tournage de Magnum alors que celui de L’Arche perdue commence à peine. Tom Selleck aurait finalement pu tourner les deux.

11A un mois du début du tournage, le rôle d’Indy n’est toujours pas attribué. A la première de L’Empire contre-attaque, Steven Spielberg et George Lucas sortent de la projection et réalisent qu’Harrison Ford est Indiana Jones. L’acteur signe un contrat pour trois films.

Pour le rôle de Marion Ravenwood, Steven Spielberg veut Amy Irving. N’étant pas disponible, il se tourne vers Debra Winger qui n’est finalement pas intéressée. Il opte alors pour Karen Allen qui l’a impressionnée lors de son audition. Le personnage ayant un côté garçon manqué, Steven Spielberg demande à l’actrice : « Vous savez cracher ? »

Article paru dans Ciné Live – Hors-série Indiana Jones – 2008

Indiana Jones ou l’histoire d’une saga – Partie 2 : L’Arche perdue