Blumhouse produit la très attendue adaptation de Five Nights at Freddy’s, une série de jeux vidéo d’horreur gratuits en ligne et en pointer-cliquer développée par Scott Cawthon depuis 2014. Le but est de survivre pendant cinq nuits sans sortir du bureau de l’agent de sécurité dans une pizzeria où des animatroniques tueurs prennent vie la nuit. Jason Blum et la réalisatrice Emma Tammi ont osé relever le défi de transposer et d’étoffer ce concept basique sur grand écran. Five Nights at Freddy’s sort en salles le 8 novembre.
Qui est Emma Tammi ?
Née à New York de parents acteurs, Emma Tammi a baigné dans le théâtre depuis son plus jeune âge. Après des études de sociologie et de cinéma, elle a créé sa société de production et s’est lancée dans la réalisation de documentaires comme Fair Chase (2014) et Election Day : Lens Across America (2017). Elle a cependant l’envie de travailler avec des acteurs et se tourne alors vers la fiction avec son premier long-métrage Terre maudite (2018), un western d’horreur inspiré par des récits de vie réels. Depuis, Emma a signé deux épisodes de la série anthologique Into The Dark (2020-2021). C’est ainsi que Jason Blum l’a appelée pour lui confier la mise en scène et la co-écriture de Five Nights at Freddy’s.
Quand vous avez commencé à travailler dans le genre de l’horreur, quelles étaient vos références ou influences ?
Certaines de mes plus grandes influences viennent simplement des films d’horreur que j’adorais regarder lorsque j’étais plus jeune, comme Shining et Rosemary’s Baby. Maintenant, il y a tellement de références contemporaines qui m’inspirent également et auxquelles je m’identifie, comme les images incroyables d’Ari Aster ou la narration magistrale de Jordan Peele. Donc, je puise à la fois dans les références du passé et du présent. Cependant, en ce qui concerne les influences pour un film, et en fait pour n’importe quel film dans lequel je me plonge, elles n’émanent pas seulement d’autres références d’horreur. Je les tire de tous les genres et de tous les types de cinémas, ce qui est très excitant.
L’horreur est un genre principalement dominé par les hommes. Était-ce difficile de commencer dans ce domaine ? Avez-vous ressenti que l’on vous traitait différemment ?
Je crois que mon avantage a été de faire mes débuts avec The Wind dont le budget était très faible. C’est le nerf de la guerre. Il est toujours difficile de réaliser un film, mais un studio préfèrera investir beaucoup d’argent avec des réalisateurs qui ont déjà prouvé leur rentabilité au box-office. Et il n’y a pas eu autant de femmes que d’hommes à avoir eu cette opportunité. Néanmoins, vous aurez plus de chances avec un film à petit budget de voir des producteurs et des financiers prendre un risque avec vous, que vous soyez une femme, un homme ou non binaire. J’espère simplement que de plus en plus de réalisatrices ouvriront la voie pour obtenir des budgets plus importants. Il y a encore beaucoup de travail à faire, mais je pense que les choses s’améliorent.
Qu’apportent au genre les réalisatrices et scénaristes femmes ?
Une perspective différente. Plus il y aura de voix et de personnes différentes qui écrivent et réalisent des films d’horreur, plus de sujets seront abordés et explorés. Ce qui est si amusant avec l’horreur, c’est que vous pouvez vraiment aborder des sujets inconfortables, parfois de manière plus commerciale, et atteindre un public plus large. Plus il y aura de réalisatrices et de scénaristes de différents horizons qui feront des films, plus le paysage cinématographique sera intéressant.
Un jeu vidéo au fort potentiel visuel et sonore
Comment Jason Blum vous a-t-il trouvée pour Five Nights at Freddy’s ?
Jason avait vu The Wind, et j’avais déjà travaillé sur un projet documentaire avec Blumhouse avant The Wind, ainsi que sur deux épisodes de Into The Dark qu’ils produisaient. Donc, à ce stade, je connaissais Jason grâce à ces projets. Il m’a appelée pour me présenter Five Nights at Freddy’s. Il a dit que la prochaine étape était que je lise le scénario actuel, que j’étudie le jeu et la franchise, puis que je parle à Scott Cawthon, le créateur du jeu. Ce moment avec Scott était vraiment la conversation critique. Nous avons pu déterminer que ma vision de ce que pourrait être l’adaptation cinématographique du jeu s’accordait avec sa vision. Blumhouse et Scott avaient travaillé sur le projet pendant un certain temps avant que je ne sois impliquée dans le processus. Cet appel s’est bien passé. Scott nous a demandé, à moi et à Seth Cuddeback [le co-scénariste, ndlr], de retravailler le scénario. C’est ce qui a scellé l’accord car il a vraiment aimé la réécriture. C’était exactement ce qu’il voulait. C’est ainsi que nous avons commencé la préproduction du film.
Qu’est-ce qui vous a attiré dans ce projet ?
J’ai vraiment aimé la relation centrale du long métrage, entre Mike et Abby, un frère aîné et sa sœur cadette [incarnés respectivement par Josh Hutcherson et Piper Rubio, ndlr]. Je sentais que ces deux personnages étaient le cœur de Five Nights at Freddy’s. J’avais un véritable instinct pour développer davantage cette relation en tant que cinéaste. Lorsque j’ai joué au jeu pour la première fois, j’ai aussi été complètement séduit par l’atmosphère incroyable du monde de Five Nights at Freddy’s. L’ambiance sonore, la visibilité limitée que l’on a en regardant les caméras de sécurité, que je trouvais très efficace en tant que dispositif d’horreur, les animatroniques et les décors de la pizzeria. Je voyais tellement de potentiel pour en tirer un film que j’étais vraiment très enthousiaste à l’idée de prendre en charge ce projet. J’ai immédiatement eu l’impression que je pouvais le voir et le ressentir. Et c’est toujours un signe révélateur que c’est le bon projet à entreprendre.
Comment avez-vous travaillé avec Scott Cawthon ? Parce qu’il semble que sur Five Nights at Freddy’s rien ne pouvait se faire sans son approbation.
Absolument, oui. Il est farouchement protecteur de la franchise. Scott pensait vraiment que si cette adaptation n’était pas la bonne, alors elle n’en valait pas la peine, ce que j’appréciais totalement et respectais. Il construit ce monde depuis une décennie. Il s’agit aussi d’une communauté de fans si importante et engagée que, à ce stade de la franchise, vous voulez offrir quelque chose qu’ils vont réellement aimer. Si ce n’est pas le cas, à quoi bon ? Pour Scott, ce n’est pas une question d’argent, c’est une question de raconter l’histoire correctement, de rendre justice aux personnages, de livrer un produit de qualité et d’intégrité. Il voulait vraiment faire un excellent long métrage, mais il n’avait jamais fait de film auparavant. Donc, il supervisait le processus et en faisait partie intégrante. Cependant, il nous faisait aussi beaucoup confiance côté cinéma, ce qui est notre domaine d’expertise. Tout en continuant à nous guider avec sa connaissance de la mythologie du jeu et des fans. C’était un partenariat vraiment dynamique.
Un film avant tout pour les fans
Vous évoquez les fans. Avez-vous fait le film avant tout pour eux ?
Oui, absolument. Et tout au long du processus, nous savions que si ce n’était pas pour eux, nous aurions manqué le but. Toutefois, j’ai vraiment eu l’impression tout au long de la production que nous réalisions aussi un film accessible aux personnes qui n’en savent pas autant sur le jeu, voire qui ne connaissent rien du jeu. C’est tout bonus si nous y sommes parvenus.
Avez-vous ressenti que les fans avaient une influence tout au long de la production du film ? Car ils sont assez virulents en ligne.
Je ne regardais pas grand-chose sur Internet pendant la production. Je laissais vraiment à Scott le soin de filtrer tout ce que nous devions entendre en termes de commentaires sur ce que les fans pourraient aimer ou ne pas aimer. Il les connaît si bien. Il se tient au courant de toutes les conversations en ligne et a des années et des années d’expérience pour entendre ce qu’ils ont aimé ou non. Scott était notre principale source d’information à cet égard. J’ai ainsi réussi à ignorer beaucoup de bruits extérieurs afin de me concentrer complètement sur la tâche à accomplir, qui était de faire le meilleur film possible.
Être dans la ligne de mire d’une telle communauté de fans vous a-t-il apporté plus de pression ?
Je pense que c’était plus excitant que stressant. C’était grisant de savoir qu’il y avait tellement de gens qui connaissaient les personnages et les animatroniques à qui nous donnions vie et qui étaient si enthousiastes à l’idée qu’il y ait une adaptation cinématographique du jeu. Nous avons eu la visite de certains YouTubers de Five Nights at Freddy’s sur le plateau, et leur exaltation pour ce que nous faisions, leurs réactions aux décors et aux animatroniques étaient tellement gratifiantes. Nous savions que nous étions sur la bonne voie. Ressentir leur passion était également contagieux. Tous ceux qui ont travaillé sur ce film, s’ils n’étaient pas eux-mêmes fans du jeu ou ne connaissaient pas le jeu avant le film, avaient un enfant, un neveu, une nièce ou un ami qui connaissait et aimait la franchise. Donc, tout le monde avait l’impression de travailler dur pour donner vie à cela et le faire bien. Nous savions que nous devions prendre beaucoup de précautions pour bien faire les choses.
Donner de la profondeur à un concept simpliste
Ce devait être difficile d’adapter ce jeu vidéo, car il est assez simple avec beaucoup de jumpscares et une bonne atmosphère. Comment avez-vous donné de la profondeur à ce concept ?
Au-delà du jeu, il y a des livres et des discussions en ligne sur la mythologie. Il existe un écosystème important d’histoires qui entourent cette franchise. Mais vous avez tout à fait raison, lorsque vous jouez au jeu, et ce film est lié au premier jeu, vous n’expérimentez pas tant l’histoire. Vous faites l’expérience de jumpscares et vous évoluez dans l’atmosphère de la pizzeria, qui est très efficace. En ce qui concerne la mythologie, Scott nous alimentait avec les éléments qui devaient être inclus dans le film. Et puis, en termes de personnages et de récit, il y avait aussi beaucoup à développer spécifiquement pour le long métrage, afin de raconter une histoire captivante. Donc, il y avait beaucoup de liberté dans la création du monde en dehors de Five Nights at Freddy’s, mais il y avait aussi beaucoup d’attention à s’assurer que les éléments liés aux personnages, à la mythologie et aux livres soient exactement conformes.
Comment avez-vous développé l’histoire entre Mike et Abby ?
Nous développions de nouveaux éléments vivants et concrets avec la relation entre Mike et Abby. Nous les rencontrons à un moment où ils font tous deux face à des traumatismes familiaux du passé. Toutefois, ils ne les affrontent pas ensemble. Ils ne s’entendent pas. Mike essaie de s’en sortir et d’élever sa sœur. Cependant, il est trop distrait par son sentiment de culpabilité lié au passé familial. C’est à travers ce voyage, en passant par Freddy’s, qu’ils commencent réellement à pouvoir se connecter l’un avec l’autre. C’est un concept très humain, auquel on peut s’identifier. J’adore également le fait que nous entrons dans une pizzeria hantée avec un personnage dévoré par son passé. Ces deux éléments sont captivants. Et cela donne à Josh Hutcherson beaucoup de choses à traiter et à porter tout au long du film.
Pourquoi avez-vous ajouté toutes les séquences de rêve de Mike ? Qu’est-ce que cela apporte à l’histoire ?
Dans le jeu, vous interprétez le gardien de sécurité et vous êtes assis dans un bureau avec un fort sentiment d’être observé. Mais en termes de réalité physique, vous restez immobile au même endroit tout le long du jeu. Les séquences de rêve de Mike, même lorsqu’il est dans la pizzeria, permettent de le faire voyager dans d’autres lieux et à d’autres époques. Nous pouvons ainsi voir de manière très active ce qui est arrivé à son frère des années plus tôt. C’est ce qui motive en partie son personnage. Nous découvrons plus tard que ces intrigues se croisent avec celles de la pizzeria. Les rêves commencent également à changer une fois qu’il travaille chez Freddy. La frontière entre la réalité et ses rêves se brouille de plus en plus. Ses rêves forment un espace vraiment intéressant pour que Mike puisse naviguer. Et c’était réellement un dispositif efficace en termes d’intégration de certains de nos personnages fantomatiques dans le paysage onirique, ainsi que dans la pizzeria et dans la chronologie de l’époque actuelle.
Des animatroniques adorablement terrifiants
Avez-vous pensé à un certain moment de la production de créer de façon digitale les animatroniques ?
Non, dès le départ, nous étions vraiment enthousiastes à l’idée de donner vie aux animatroniques de manière pratique. Collaboré avec Jim Henson’s Creature Shop a vraiment élevé le film à un tout autre niveau. Je savais que si nous réussissions les animatroniques, cela signifierait tout. Et avec Jim Henson’s Creature Shop, il ne s’agissait pas seulement de les concevoir et de les construire de manière fidèle au jeu, c’était aussi d’ajouter une tout autre dimension. Ils savent créer des marionnettes et des animatroniques vraiment distincts, uniques et inoubliables. Ces animatroniques peuvent être effrayants à certains moments et adorables à d’autres. Ils possèdent tellement de facettes, d’expressions et de textures. Ils laissent simplement une empreinte indélébile dans votre esprit. J’ai grandi en regardant les émissions et les films de Jim Henson. Je me souviens très bien de ses personnages. Avoir leur métier et leur créativité pour donner vie à nos animatroniques était énorme.
Si je comprends bien, Foxy est le seul personnage entièrement animatronique. Les autres sont en partie animatroniques et en partie des personnes dans des costumes.
Ils étaient les deux. En fait, nous avions une version entièrement animatronique de tous les personnages. Mais Foxy est le seul dans lequel une personne ne pouvait pas entrer. L’avantage d’avoir une personne à l’intérieur de Freddy, Bonnie et Chica était d’obtenir une gamme différente de mouvements. Nous avions d’incroyables interprètes en costume à l’intérieur de ces animatroniques. Sauf pour Foxy, vous avez tout à fait raison. Donc, Foxy était toujours fixé sur une sorte de support pour le déplacer à travers le plateau, tout en étant actionné électroniquement pour ses bras, son cou, ses oreilles et sa mâchoire. Et les jambes et les pieds étaient manipulés séparément. Il fallait environ six personnes pour faire fonctionner pleinement Foxy avec une gamme complète de mouvements.
Avez-vous établi des règles pour les animatroniques ? La manière dont ils bougent, ce qu’ils peuvent faire et ne pas faire ?
Oui, dès qu’ils ont été construits et opérationnels, nous avons commencé les répétitions avec eux. Et c’était le véritable terrain d’essai pour ce qui semblait approprié en termes de leur mouvement. Il a aussi fallu déterminer les mouvements des animatroniques plus anciens et décrépits, lorsqu’ils sont contrôlés par des esprits fantômes. Cela ajoutait une sensation différente par rapport à leur jeu quand ils sont simplement sur scène en train d’effectuer leur routine à l’époque faste de la pizzeria. Donc, c’était un vrai mélange pour déterminer comment chaque personnage devait bouger pour chaque scène et chaque moment.
Votre film est peu sanglant et peu gore. Vous laissez beaucoup à l’imagination. Était-ce un choix dès le départ ?
Oui, nous voulions que ce film soit classé PG-13 afin de pouvoir inclure un public plus jeune, car il y a beaucoup de jeunes fans du jeu. Pour cela, nous devions exprimer la violence un peu différemment. Donc, au lieu d’aller vers le sang et le gore, nous avons opté pour les ombres et les silhouettes, en suggérant la violence et en faisant entendre la violence sans montrer tous les viscères ensanglantés qui auraient placé Five Nights at Freddy’s dans une catégorie d’âge supérieure.
Crédit photos : © Patti Perret / Universal Pictures
Article paru dans L’Ecran fantastique reboot – N°29 – Novembre 2023
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