Adapté de la bande dessinée éponyme, La guerre des Lulus est une fresque historique et familiale mais surtout une aventure humaine. A l’aube de la Première Guerre mondiale, en Picardie, quatre amis inséparables, Lucas, Luigi, Lucien et Ludwig, forment la bande des Lulus. Oubliés derrière la ligne de front ennemie, ces orphelins sont livrés à eux-mêmes en plein conflit. Bientôt rejoints par Luce, une jeune fille séparée de ses parents, ils décident coûte que coûte de rejoindre la Suisse. Voici les coulisses du nouveau film de Yann Samuell. La guerre des Lulus sort en salles ce 18 janvier.
L’adaptation d’une BD
L’auteur Régis Hautière et le dessinateur Hardoc ont donné naissance, en 2013, à une série de bande dessinée. Baptisée La guerre des Lulus, elle met en scène cinq orphelins pendant la Première Guerre mondiale. Yann Samuell adapte au cinéma cette saga qui montre l’extraordinaire résilience d’enfants plongés dans un conflit qui les dépasse et leur survie au quotidien au cœur de toutes les horreurs de la guerre de 14-18. Le réalisateur sortait de La guerre des boutons quand Éric Boquého, producteur aux Films du Lézard, lui a fait découvrir les six albums.
“Il y avait là une approche très différente des autres films sur l’enfance, même si l’enjeu est similaire,” explique le cinéaste. “J’ai appelé les deux auteurs. Je leur ai expliqué que j’accepterais d’adapter leurs albums que si le film ne trichait pas avec la violence et n’était pas édulcoré. J’avais vu dans leur œuvre un film de monstre avec la guerre dans le rôle du monstre ! Et ils m’ont répondu qu’ils avaient été inspirés par The Walking Dead !” Pendant toute l’écriture du scénario de La guerre des Lulus, Yann Samuell a été en relation constante avec Régis Hautière. Il lui envoyait les versions successives du script. Dès lors que le réalisateur respectait l’esprit de la BD, l’auteur lui faisait totalement confiance.
L’Histoire à hauteur d’enfants
La guerre des Lulus raconte le conflit de 1914-1918 sous un angle différent. De jeunes orphelins sont les témoins innocents et insouciants de l’Histoire qui se déroule sous leurs yeux. Ils portent sur la guerre un regard décalé et émouvant. “C’est un récit empreint de beaucoup d’humour, d’incompréhension, de peur, mais aussi de rire et de débrouillardise,” souligne Yann Samuell. “Avec en toile de fond, la recherche permanente de ce lien familial qui leur manque tant.”
“Au départ, on ne voulait pas faire de reconstitution historique,” révèle le chef décorateur Hérald Najar. “L’important était de représenter un monde à travers les yeux des enfants. Il s’agit donc davantage d’une perception d’une certaine réalité, qui autorise une certaine liberté. On s’est ainsi affranchi de la gravité de l’époque pour être davantage axé sur les enfants. On était quasiment dans un univers poétique, comme en témoigne toute la partie de la cabane des Lulus, avec la ruine du moulin. C’est une sorte de décor féerique, de rêve d’enfant, où on est à la limite de la réalité.”
Des références
Yann Samuell a visionné beaucoup de films de guerre, comme Un long dimanche de fiançailles de Jean-Pierre Jeunet et 1917 de Sam Mendes. L’Empire du soleil de Steven Spielberg reste cependant une référence pour lui en matière d’enfant confronté au chaos. Sur le plateau, le réalisateur portait la casquette de ce film que lui a remise Steven Spielberg en guise de porte-bonheur.
Un hommage au père disparu
Un cliché célèbre montre un enfant perché sur un char au moment de la Libération de Paris en août 1944. Il s’agit du père de Yann Samuell. Il est décédé tandis que le cinéaste se lançait dans La guerre des Lulus. Le réalisateur a alors pris conscience que ce film était une manière de lui rendre hommage.
Des enfants
Pour le casting de ses jeunes acteurs, Yann Samuell a fait appel à la directrice de casting Julie David qui avait travaillé sur La guerre des boutons. “Elle a adoré le scénario, et très en amont, elle a commencé à faire passer beaucoup d’essais,” raconte le réalisateur. “Puis elle m’envoyait les vidéos, et j’ai rencontré ceux qui me paraissaient intéressants. J’assistais à toutes les séances de casting et, très vite, j’ai senti quels allaient être les gagnants, mais je me laissais toujours la possibilité de changer d’avis.”
Les six enfants retenus – Tom Castaing, Léonard Fauquet, Mathys Gros, Loup Pinard et Paloma Lebeaut – viennent de toute la France. Ils ont fait connaissance en amont du tournage afin de créer un groupe cohérent. Leur première rencontre a eu lieu pendant tout un week-end à Paris. “On a commencé par un petit déjeuner au cours duquel je les ai présentés les uns aux autres,” continue Yann Samuell. “Au bout de dix minutes, on aurait cru que c’étaient des copains d’école qui se connaissaient depuis toujours. Je me suis dit que je ne m’étais pas trompé. Une évidence s’est imposée, des secrets ont été échangés, comme dans une forme de catharsis, parce qu’ils étaient réellement en confiance.”
“Je pense que c’est aussi lié au fait que je fais les mêmes choses qu’eux,” poursuit le réalisateur. “Au cours des semaines de préparation, comme sur le plateau, je ne demande rien à mes interprètes que je ne serai pas capable de faire moi-même, à tel point que j’exécute les cascades que je leur demande de faire.”
Un film féministe
Les figures féminines du film ont du cran, de la détermination. Comme Luce qui rejoint la bande des Lulus et s’avère plus aventureuse que les garçons, qui se disaient aventuriers. “C’est une vérité historique,” affirme Yann Samuell. “Les hommes étaient au front et les femmes ont pris les rênes de la société. Elles n’avaient pas d’autre choix. On a pris ces paramètres en compte avec les actrices pour construire la trajectoire de leurs personnages. Louison (Isabelle Carré) était jusque-là considérée comme une sorcière. On la détestait mais on avait besoin d’elle. Elle devient soudain la reine du village, capable de mettre en déroute une escouade allemande. De même, la docteure n’est peut-être pas médecin de formation. Cependant, on s’est dit qu’elle avait sans doute observé un praticien amputer des jambes et qu’elle l’imite désormais. Ces personnages sont propulsés dans une situation qu’ils n’auraient pas vécue dans des conditions normales.”
Le Nord
“J’étais parti du principe de tourner réellement l’intégralité du film dans le Nord pour avoir cette lumière et cette sensibilité particulières,” confie Yann Samuell. “C’était d’autant plus important que le récit de La guerre des Lulus appartient au patrimoine de la région et qu’on ne peut pas l’en déposséder. J’ai eu raison car le moindre figurant a été extrêmement investi dans le projet. C’est la première fois de ma carrière que j’ai écrit personnellement à chacun d’entre eux pour les remercier.”
Crédit photos : © Thibault Grabherr, Christine Tamalet, Ricardo Vaz Palma – Superprod, Wild Bunch, Les films du Lézard, Elle driver, Bibidul Productions