De 1975 à 1979, la série policière Starsky et Hutch battait tous les records d’audience aux Etats-Unis. Pour la première fois sur le petit écran, deux flics laissaient tomber le costume-cravate et utilisaient des méthodes peu orthodoxes pour mieux faire respecter la loi. Vingt-cinq ans plus tard, voici son adaptation ciné. Les nouveaux chevaliers au grand cœur ont les traits de Ben Stiller (Starsky) et Owen Wilson (Hutch) et officient dans une pure comédie. Gagneront-ils à la fin cette fois aussi ? Owen Wilson, calé confortablement dans le canapé, sirote tranquillement une camomille au miel, préférant laisser le soin à son comparse Ben Stiller de s’enthousiasmer pour cette adaptation qui lui tenait tant à cœur. Leur complicité, si évidente à l’écran, l’est aussi dans la vie.
Vous semblez vraiment vous être amusés à jouer Starsky et Hutch. Incarner ces personnages était un rêve de gosses ?
Owen Wilson : J’ai grandi avec la série. J’avais ma lunch box à leur effigie, une Torino miniature…
Ben Stiller : Je devais avoir dix ans quand ils passaient à la télé et j’étais le public parfait. Je jouais à Starsky dans la cour de l’école. Pour moi, Paul Michael Glaser était le plus cool de tous. J’avais même adopté sa coupe de cheveux.
OW : J’ai vu une photo de toi avec les cheveux longs. T’étais mignon à l’époque.
BS : Si longs qu’on me prenait parfois pour une fille. (Rires) J’ai toujours voulu interpréter Starsky au cinéma mais j’ai très vite réalisé que je ne pourrais jamais faire ce qu’il fait. Alors j’ai juste essayé de courir comme lui. (Rires) Pour le reste, j’ai développé mon propre Starsky, comme Owen l’a fait de son côté pour Hutch. Et parallèlement dans ce film, on a développé cette relation qui nous lie tous les deux car c’est ce qui a fait le succès et l’originalité de la série, cette amitié et cette interaction entre les deux personnages.
OW : (En souriant) Pour moi, dans ce film, c’est plutôt mon interaction physique avec Carmen Electra et Amy Smart qui a été importante [Tous les trois finissent au lit, NDLR]. Je savais que ce duo à trois représentait un vrai défi et je me suis appliqué pour réussir la scène. Il a fallu beaucoup de prises. Je suis arrivé très tôt sur le plateau ce jour-là…
BS : C’est le seul jour où tu as été à l’heure d’ailleurs, de tout le tournage.
OW : Mais ça valait la peine. (Rires)
Quels souvenirs gardez-vous de la série ?
BS : L’amitié, le côté cool des personnages, la façon qu’ils avaient de molester les bandits, les poursuites, à pied ou en voiture, la musique, Huggy… Lui aussi était vraiment cool. Mais je ne me rappelle pas d’un épisode en particulier contrairement à Owen.
OW : Oui, parce qu’on avait fait référence à cet épisode dans mon premier film, Bottle Rocket, et je crois qu’à la base, la série s’était inspirée d’un film de Clint Eastwood. C’est l’épisode où Starsky court de téléphone en téléphone avec une rançon pour sauver la vie de Hutch…
Pardon, mais c’est l’inverse. C’est Hutch qui court de téléphone en téléphone avec un sac contenant la rançon et Starsky le suit à moto.
BS : Elle t’a eu là.
OW : Mais non, je la testais. (Rires) Une vraie fan de la série, donc ? (A Ben) Et toi, tu t’en souviens de cet épisode ?
BS : Bien sûr, à la fin Starsky fonce avec sa moto et dérape. (Owen Wilson imite alors le bruit d’une moto qui fonce et qui dérape puis les deux acteurs éclatent de rire).
Et donc, Ben, vous êtes à l’origine de ce film.
BS : Oui. J’ai voulu savoir si un projet était en cours puis je suis allé demander à la Warner, qui détenait les droit de la série, si on ne pouvait pas faire quelque chose ensemble. Ma société de production s’est ensuite associée au projet. J’ai proposé Todd Phillips comme réalisateur, je trouvais que c’était un bon choix pour une comédie. A partir de là, il a pris les rênes.
Et vous avez suggéré Owen pour le rôle de Hutch.
OW : Personne ne sait vraiment d’où lui est venue cette idée…
BS : Il était un choix évident pour moi…
OW : Evidence ou solution de rechange, allez savoir. (Rires)
BS : Mais il était rarement disponible, toujours par monts et par vaux avec Jackie Chan. (Rires) On a même dû le supplier car il en avait un peu assez des buddy movies.
OW : On ne m’achète pas aussi facilement.
Et vous avez travaillé sur le script parce que, bien que fan de la série, vous avez transformé la série policière en comédie.
BS : Mais il y a beaucoup de comédie dans la série. C’est vrai que les deux premières saisons sont plus violentes mais pas les deux dernières. Paul Michael Glaser [le Starsky de la série, NDLR] et David Soul [le Hutch de la série, NDLR] me racontaient même qu’ils en avaient assez de toujours faire la même chose et qu’ils avaient alors commencé à s’amuser, à se déguiser en cascadeurs ou en coiffeurs. Je crois qu’on est très proche de cet humour dans le film.
OW : Si la Warner avait voulu un film plus sérieux, Ben et moi n’aurions jamais été choisis. (Rires)
BS : On s’est dit que ce film pouvait en fait être le vrai pilote de la série et qu’à la fin on nous virait et Paul et David se faisaient alors engager pour prendre la suite. (Rires)
Pourquoi vouliez-vous un caméo de Paul Michael Glaser et David Soul ?
BS : C’était important pour moi qu’ils fassent partie de l’aventure parce qu’ils sont la raison première du succès de la série grâce à leur talent et à leur complicité à l’écran. Et sans ce succès, il n’y aurait pas cette adaptation. J’ai eu la chance de déjeuner avec Paul avant de commencer le tournage. Pendant tout le repas je me répétais : « Waow, je suis en train de déjeuner avec Starsky. » Il est toujours aussi cool. Il a toujours soutenu notre projet, nous souhaitant bonne chance et surtout de bien nous amuser.
Et Antonio Fargas, le Huggy-les-bons-tuyaux de la série, vous l’avez oublié pour un caméo ?
OW : Il sera dans la suite. Il jouera en fait le père de Snoop Dogg, qui incarne notre Huggy, et ce sera le seul capable de lui tenir tête. (Rires)
Pensez-vous déjà à une suite ?
BS : Non, on attend de voir ce que donnera ce film-là. Mais c’est vrai que ce serait sympa de recommencer.
OW : Oh, doucement.
BS : C’est vrai que toi, tu marches au cas par cas. (Rires)
Ne pensez-vous pas que les plus jeunes spectateurs, ceux qui ne connaissent pas la série, ne verront en Starsky et Hutch qu’un simple buddy movie ?
BS : Je crois en fait qu’ils constituent même un meilleur public pour le film car ils n’ont aucun point de comparaison possible. Mais on a essayé de faire un film qui fonctionne sur les deux tableaux : pour ceux qui ne connaissent pas la série et pour ceux qui au contraire vont comprendre tous les clins d’œil.
Clins d’œil ? Vous ne voyez donc pas ce film comme une parodie ?
BS : Pas du tout. On a vraiment gardé le ton de la série et l’esprit des personnages. On ne fait pas de blagues à la Austin Powers, on ne se moque pas des personnages…
Quand même un peu. Vous imitez Paul Michael Glaser quand il court…
BS : C’est Starsky qui court comme ça. Si je ne l’avais pas fait, je suis sûr qu’on me le reprocherait.
Vous le faites pleurer…
BS : Mais non, il ne pleure pas. (Rires)
OW : C’est marrant ces hommes qui pleurent et qui ensuite nient être en train de pleurer. (Rires)
Et Owen imite David Soul chanteur…
OW : Et alors ? Vous trouvez que je chante faux ? (Rires) J’ai pourtant dit que je ne savais pas chanter, mais tout le monde a pensé que je disais ça parce que je ne voulais pas chanter. Alors que vraiment, je ne sais pas chanter. Et encore moins jouer de la guitare. Alors les deux ensemble. (Rires) Mon pauvre prof de guitare s’en est d’ailleurs très vite aperçu et Todd Phillips a eu la bonne idée de ne pas filmer mes mains pendant cette scène. Une machine électronique a dû également retravaillé ma voix parce que même mon coach vocal était horrifié. Je crois que si j’ai pu gagner quelque crédit auprès de Carmen et Amy en les embrassant, je l’ai vite perdu en chantant.
Quelle a été la réaction de David Soul ? Vous massacrez quand même un de ses tubes de l’époque “ Don’t give up on us ” ?
OW : Je l’avais prévenu. Je lui ai dit qu’il ne devait pas trop espérer de mon interprétation de sa chanson. J’étais très inquiet mais il s’est montré très généreux après le film. Il a dû réaliser que je n’étais finalement pas une menace pour lui. (Rires)
Qu’avez-vous ressenti en conduisant la fameuse Ford Gran Torino de Starsky ?
OW : Je n’ai en fait été autorisé à m’asseoir derrière le volant que si les clés restaient dans ma poche.
BS : C’était génial, bien sûr. Cette voiture est si cool.
OW : On voit que tu n’as jamais essayé le siège passager.
BS : J’ai pris des cours de conduite sur un parking avec un cascadeur. Il m’a appris un ou deux trucs.
OW : Pour ce que ça a servi. Ben est loin d’être un bon conducteur, il n’a pas de bons réflexes. Quand il venait me voir, tout excité, et qu’il me disait qu’on allait faire un 180° avec la voiture, je nous imaginais déjà dans le mur.
BS : Je n’ai pourtant jamais embouti la voiture.
OW : Ah oui ? Ce n’est pas toi qu’on voit dans le générique de fin éclater la Torino ? (Rires)
Starsky et Hutch est un duo unique, comme le vôtre. Comment votre relation s’est-elle développée depuis votre première rencontre ?
BS : Naturellement, en se découvrant peu à peu.
OW : J’ai rencontré Ben alors qu’il m’auditionnait pour son film Disjoncté. Il réalisait et je cherchais du travail, ce qui fait qu’on n’est pas tout de suite parti sur une base d’amitié.
BS : Mais je me suis très rapidement rendu compte du talent d’Owen. Notre amitié est aussi basée sur ce respect mutuel que l’on a de la créativité de l’autre, sur notre sensibilité similaire. On a traversé des hauts et des bas ensemble, à la fois personnels et professionnels. Et plus on vieillit, plus on donne de la valeur à l’amitié, surtout quand elle dure. C’est si rare.
Parvenez-vous à avoir un regard critique l’un sur l’autre dans votre travail ?
BS : Il y a toujours eu une tension créative entre nous car on a tous les deux des idées et on n’hésite pas à les partager.
OW : C’est une question de respect et de foi. Quand Ben pense que quelque chose va être drôle, je l’écoute. J’écoute pourtant peu les réalisateurs, mais si lui a une idée concernant mon interprétation, je suis toujours prêt à l’écouter. J’aime quand quelqu’un a une bonne idée pour moi. (Rires)
BS : C’est la dynamique même d’un plateau de cinéma : on échange nos idées. Et quand on se connaît bien, c’est plus facile. Mais quand je dirige Owen, il est plutôt du genre : « Si Ben me dit ce que je dois faire, c’est que je peux lui dire ce que, lui, doit faire. » (Rires)
Ben, vous avez dirigé Owen dans Disjoncté, puis cinq ans après dans Zoolander. Avez-vous vu son évolution en tant qu’acteur ?
BS : Bien sûr.
OW : Vraiment ? Tu trouves que j’ai changé ? J’ai pris confiance en moi ? Parce que je croyais déjà être très confiant sur Disjoncté.
BS : Il y a un monde de différences entre Disjoncté et Zoolander. Sur Disjoncté, j’arrivais encore à le faire sortir de sa caravane. (Rires)
OW : Et moi, je pouvais encore lui parler en personne. Après, sur Zoolander, je devais passer par un intermédiaire. (Rires)
BS : Il a en effet plus confiance en lui, il est plus mature de ce côté-là, il sait qu’il peut essayer des trucs. C’est la clé du travail, surtout en comédie. Sur Disjoncté, ça se voyait qu’il n’avait jamais mis les pieds sur un plateau de cinéma.
OW : C’est vrai. Je me souviens de mon embarras au moment du déjeuner parce que je ne savais jamais avec qui m’asseoir. (Rires)
Comment est Ben en réalisateur ?
OW : Génial. Sur Disjoncté, il a senti que j’étais nerveux mais il n’a pas cessé de m’encourager, me laissant libre d’essayer des trucs et me donnant ainsi confiance en moi.
Et avez-vous vu son évolution ?
BS : Dis oui.
(Owen réfléchit)
BS : Et bien dis oui.
OW : En fait, non, il n’a pas changé. Il a commencé très haut et il est toujours au sommet pour moi.
Ces dernières années il y a eu beaucoup d’adaptations de séries télé ou de comic books. Comment expliquez-vous ce phénomène ?
OW : L’argent. Parce que ces franchises ont eu du succès, les producteurs pensent ne pas prendre trop de risques. Et ils choisissent les franchises qui ont fortement marqué les gens, pour prendre encore moins de risques.
BS : C’est générationnel. Ceux qui font les films aujourd’hui ont grandi avec ces séries et ces supers héros et ont développé une réelle affection pour eux. Les spectateurs aiment aussi qu’on les revisite pour retrouver la connexion qu’ils avaient avec quand ils étaient plus jeunes.
Avez-vous une autre adaptation de série en vue ?
BS : Vous ne trouvez pas qu’une seule suffit dans une carrière ?
Article paru dans Ciné Live – N°78 – Avril 2004
Crédit photos : © Warner Bros / ABC / Sony Pictures Television
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