L’acteur est le huitième à incarner le justicier masqué, cette fois personnage vieillissant et frère ennemi de Superman dans Batman v Superman : L’Aube de la justice. Rencontre avec Ben Affleck sur le tournage du film, à Détroit, aux Etats-Unis, juste avant qu’il enfile son costume iconique.
Si vous deviez présenter votre Batman à quelqu’un qui ne connaît pas le personnage, comment le décririez-vous ?
BEN AFFLECK : D’habitude, les films montrent les origines de Batman ou quand il est au zénith de sa carrière de justicier. Ici, c’est un gars plus vieux que les précédents Batman. Il est en fin de parcours. Il va trouver un sens à sa propre vie dans son conflit avec Superman. Il se dit que détruire Superman sera l’héritage qu’il laissera, sa dernière contribution à ce monde car il pense que Superman est une menace existentielle. On joue un peu plus avec son côté playboy milliardaire. Il vit à fond cette vie. Il a beaucoup de femmes, il possède des voitures et fait la fête. Il essaye de combler les vides de son âme. Par ailleurs, les autres incarnations de Batman évoquaient la justice. Ici, Batman est encore plus en colère. Il a perdu certaines de ses capacités à raisonner parce qu’il est frustré, amer et en colère.
Avez-vous regardé le précédent Batman incarné par Christian Bale pour justement ne pas faire la même chose et vous démarquez ?
Les Batman réalisés par Christopher Nolan sont extraordinaires. Je ne veux pas entrer en compétition avec les autres versions ni faire quelque chose de similaire. Ces versions appartiennent à un autre univers. Christopher Nolan a commencé une histoire puis l’a achevée. Ma version est différente mais reste fidèle à la tradition de Batman et aux thèmes qui y sont associés. L’autre différence est que le Batman de Christopher Nolan n’évolue pas dans un univers où existent d’autres superhéros ou des créatures magiques. Parce qu’on se dirige vers la Ligue des Justiciers, il y a Superman et c’est un monde peuplé de supers êtres. Cette situation crée une autre réalité. Ceci étant dit, le scénario écrit par Chris Terrio possède une sensibilité très terre-à-terre.
Batman est un personnage plus sombre que Superman, à tout point de vue. Apporte-t-il sa noirceur dans l’univers de Superman ?
Les deux personnages sont intéressants parce qu’ils sont à la fois opposés et similaires. Ils ont le même but : aider les gens, les sauver, rendre justice, faire le bien dans ce monde. Mais ce but émane de deux êtres différents et implique des moyens différents pour l’atteindre. Batman apporte de la noirceur dans l’histoire de Superman puisqu’il s’agit d’une suite de Man of Steel. Avec Batman, le film est automatiquement plus sombre au sens propre comme au sens figuré.
Que pensez-vous des deux costumes de Batman que vous portez dans le film ?
J’aime beaucoup leur design. Ils sont fidèles à la vision que Frank Miller a de Dark Knight dans son comic book. Le film s’inspire d’ailleurs beaucoup de ce comic book dont on utilise notamment le symbole plus massif et le costume. Les costumes sont lourds et encombrants. Le défi est de créer des scènes de combats dans lesquels je peux bouger et avoir de la fluidité dans mes mouvements, ce qui est difficile. On veut qu’ils aient un look génial et qu’ils soient fonctionnels en même temps. Ce que l’on peut faire maintenant, et qu’on ne pouvait pas encore faire il y a quelques années, c’est de porter le costume mais sans les bras du costume. Des capteurs de mouvements sont posés sur mes bras pour recréer les bras du costume en post-production. Ce qui me permet de bouger librement mes bras et de ne pas ressembler à un robot dans les scènes d’action. Je pense que c’est la première fois qu’un acteur peut tourner la tête dans un Batcostume et qu’il a plus de flexibilité.
Avez-vous suivi un entraînement spécial pour ce film qui reste physique ?
Je me suis entraîné intensément pendant presqu’un an avant que le tournage commence parce que je vieillis. (Sourire) Il y a 15 ans, c’était plus facile. J’ai dû retrouver une forme exceptionnelle et de la souplesse. J’ai dû apprendre les techniques qui me seraient utiles pour les scènes d’action. En un sens, l’entraînement que j’ai suivi a laissé plus de traces que ce que je fais dans le film.
Quelle a été votre première pensée quand vous vous êtes vu pour la première fois dans le costume de Batman ?
Cela aide beaucoup. Quand vous lisez le script, vous vous demandez comment vous allez jouer Batman. Et puis vous enfilez le costume, vous vous regardez dans le miroir et vous vous dites : « Voilà, c’est ça. ». Le costume fait tout le travail pour vous. Mais en fait, vous ne jouez pas Batman, vous jouez Bruce Wayne. C’est alors que le personnage devient compliqué et intéressant. Batman en lui-même est un personnage iconographique fort. Ce serait une erreur de le surjouer.
Dans un combat entre Superman et Batman, qui gagne ?
Alors… (Il éclate de rire.) Quand vous verrez le film, vous verrez que c’est plus compliqué que ça. Il n’y a pas réellement de vrai vainqueur. Je dirai que c’est la vérité qui triomphe. (Sourire)
Quel a été le plus grand défi pour vous sur ce film ?
Le fait que le tournage dure aussi longtemps, 140 jours. Tout est très compartimenté et il est difficile de se rappeler où se situe telle scène dans l’histoire, d’appréhender des moments coincés entre deux scènes d’effets visuels. Je ne suis pas habitué à ce genre de tournage, je ne peux pas adopter de vitesse de croisière, vous devez relancer la machine à chaque fois. Aujourd’hui par exemple, je ne vais tourner que des plans d’une dizaine de secondes qui seront ensuite montés pour créer la scène. Je suis plus habitué à jouer une scène entière pour pouvoir essayer différentes choses. Ici, c’est très technique et vous n’avez pas vraiment de liberté parmi tous ces effets visuels.
Est-ce un genre de films que vous voudriez un jour réaliser ?
J’adorerai cela. Cette expérience est très intéressante et très instructive. La technologie avance si vite que ce que je connaissais il y a 10 ou 7 ans est aujourd’hui complètement obsolète. Aujourd’hui, je vois ce qui est désormais possible ou non en effets visuels, je vois comment utiliser toutes ces nouvelles technologies pour aider à mieux raconter des histoires. Je ne sais pas si je voudrai réaliser un film de superhéros mais en tout cas réaliser un film qui utilise ces effets visuels, un peu comme Inception.
Retombez-vous en enfance à jouer avec des gadgets et autres accessoires de superhéros ?
C’est sympa. J’ai envie de piquer tous ces batgadgets. (Sourire) Mais Zack Snyder ne veut pas que Batman utilise trop de gadgets. Il ne veut pas qu’il se repose sur la technologie. Il aime l’idée d’un genre de bagarreur vieillissant qui a une présence physique. C’est plus la base du personnage que tous ces lasers et grappins.
Et conduire la Batmobile ?
On me laisse juste démarrer et arrêter la Batmobile alors que je n’ai qu’une envie c’est de foncer avec et faire des dérapages. Mais je crois qu’elle coûte trop cher pour laisser un acteur se prendre un mur avec.
En quoi Lex Luthor est un bon vilain pour ce film ?
Entre le personnage écrit par Chris Terrio et l’interprétation de Jesse Eisenberg, c’est la rencontre de deux esprits brillants sur la même longueur d’ondes. Luthor est pour moi le personnage le plus intéressant du film. Il est radicalement différent de ce qu’on a pu voir jusqu’à présent. Il est ancré dans la réalité et il est extraordinaire. Ce genre de films repose sur la qualité du méchant. C’est aussi pour cela que The Dark Knight était aussi génial, grâce à Heath Ledger. Jesse rend le film meilleur à chacune de ses apparitions. Ce n’est pas le genre de méchant à se caresser la moustache, c’est un personnage avec une psychologie à part entière.
Et Wonder Woman ?
C’est une déesse. Elle est magnifique. Elle possède un look incroyablement hypnotique. C’est elle qui a les meilleures scènes de bagarre. Elle est forte, dure et pratique. Elle intimide même Batman et Superman. Je n’aurais pas aimé l’idée qu’elle soit une bimbo. J’ai deux filles et quand elles verront le film, j’aimerais qu’elles disent qu’elles veulent être comme elle.
Elektra est aussi un bon modèle pour les filles.
Je suis d’accord mais là, je ne suis pas objectif. (Sourire)
Est-ce que ce film dit quelque chose sur le monde d’aujourd’hui ?
Je ne dirai pas que ce film donne une leçon quelconque mais c’est plus qu’un simple film de divertissement qui cherche aussi à dire qu’il y a des conséquences dès que l’on use de la violence. Quand quelqu’un meurt, c’est une vie qui est perdue. Ce film évoque aussi le fait que la peur est notre ennemi. Cette peur fait ressortir le pire de nous-mêmes. Quand nous craignons les gens puissants parce que nous pensons qu’ils peuvent nous détruire, nous tendons à penser qu’il est juste de faire tout ce que nous voulons. Cela dresse quelques parallèles avec les frappes militaires préemptives et ce genre de choses. Cela permet d’analyser nos jugements quant à ce que nous faisons face à ce qui nous menace. C’est pertinent avec ce qu’il se passe aujourd’hui. Le film évoque des thèmes réels.
Article paru dans Studio Ciné Live – Hors-série N°31 – Décembre 2015
Crédit photos : © WarnerBros