En dépit d’une jolie carrière et d’une réelle joie de vivre, il reste prisonnier d’un seul rôle : celui du sombre et maléfique Norman Bates de Psychose. Il était pourtant plus que ça. Anthony Perkins est dans Paris brûle-t-il ? diffusé sur Arte.
Anthony Perkins n’aurait pu avoir une personnalité plus éloignée de celle de Norman Bates, le psychopathe de Psychose qui l’a fait connaître au monde entier. Sophistiqué et élégant, il avait l’œil pétillant et le sourire facile. Il était surtout plein d’assurance et d’humour. Pourtant, son enfance a été marquée par le sceau du drame. L’acteur est né le 4 avril 1932 à New York. Son père, Osgood Perkins, est comédien. Toujours au travail, il passe peu de temps à la maison. Le petit Anthony développe alors un complexe d’Œdipe et devient jaloux dès que son père rentre, allant jusqu’à souhaiter sa mort. Qui survient en 1937, suite à une crise cardiaque. Le garçon a 5 ans et se sent responsable.
Grandissant avec cette culpabilité et rêvant de la liberté que connaissait son père grâce à son métier, il se lance dans le théâtre dès 14 ans. À l’université de Columbia, il fait ses débuts au cinéma en amoureux transi de Jean Simmons dans The Actress (1953). Juste avant son diplôme, le réalisateur Elia Kazan l’auditionne pour A l’est d’Eden. S’il lui préfère James Dean, il lui offre un rôle d’adolescent fragile dans Tea and Sympathy, à Broadway, où il se fait définitivement remarquer par Hollywood. Il joue ensuite un jeune quaker déchiré entre ses principes religieux et son devoir de s’engager dans la guerre civile dans La loi du seigneur (1956), Palme d’or au Festival de Cannes. Son interprétation tout en vulnérabilité lui vaut un Golden Globes du Meilleur espoir et une nomination aux Oscars.
Psychose à tous les niveaux
Sa carrière bascule en 1960. Alfred Hitchcock l’engage pour donner vie à Norman Bates, tueur en série à la personnalité multiple traumatisé par sa mère. Anthony Perkins éprouve beaucoup d’affection et de compassion pour Bates. Peut-être parce qu’il fait ressurgir son passé. Il avouera plus tard que sa propre mère était tyrannique, voulant tout contrôler dans sa vie, jusqu’à ses pensées et sentiments, et se permettait quelques attouchements loin de n’être que maternels. Certains diront alors qu’il avait été élevé pour incarner Norman Bates.
L’acteur passera les deux décennies suivantes à tenter de faire oublier ce personnage iconique. En vain. Son prix d’interprétation au Festival de Cannes en 1961 pour Aimez-vous Brahms ?, son succès critique pour sa personnification de Joseph K. dans Le procès d’Orson Welles ou encore ses rôles complexes, troubles ou romantiques, dans des films intimistes français d’Édouard Molinaro ou Claude Chabrol n’y feront rien. Alors qu’il cherche des personnages légers, Hollywood ne lui propose que des ersatz de Norman Bates. Il prend le peu qui l’intéresse. Il cédera finalement à la proposition de rejouer le monstre qui lui colle à la peau dans Psychose 2 (1983), puis dans deux autres opus.
Anthony Perkins et les femmes
Il a, entre-temps, fait la paix avec lui-même et décidé de placer l’humain avant les films ou le côté matériel de la vie. Tout cela grâce à une femme. Marqué par son enfance troublée, il fuit pourtant la gent féminine. Il aurait eu sa première relation intime avec une femme en 1971, avec Victoria Principal. Deux ans plus tard, il épouse Berry Berenson, photographe et actrice. Ils auront deux fils. Cette vie de famille rangée fait relativiser Anthony Perkins quant à sa carrière. Ce mariage calme aussi les rumeurs de son homosexualité, mal vue à l’époque, alors qu’il vit des passions masculines avec l’acteur américain Tab Hunter et le parolier français Patrick Loiseau.
Le comédien a toujours été très secret sur sa vie privée. Dès qu’un journaliste lui pose une question sur le sujet, il fournit juste ce qu’il faut de réponse pour ne rien révéler d’important sans donner l’impression qu’il a des choses à cacher. Cela fonctionne jusqu’en 1990 et un article du National Enquirer dévoilant qu’il est atteint du sida. Le tabloïd a obtenu illégalement un résultat de test sanguin de l’acteur. Peu de gens à Hollywood croient cette histoire. Le comédien se tait. Il ne veut inquiéter ni sa famille, ni ses amis. Seule sa femme est au courant. En 1992, il décède d’une pneumonie liée au virus. Il a 60 ans. Dans une déclaration posthume, il affirme que cette maladie n’est pas une vengeance de Dieu mais un message pour que chacun apprenne à aimer, comprendre et avoir de la compassion pour les autres. Son corps est incinéré. Sur l’urne, il est gravé une phrase : « Ne m’enfermez pas. »
Crédit photos : © Henri Bureau / Sygma / Corbis / VCG
Article paru dans Télé Star – N°2282 – 22 juin 2020