Philippe Rickwaert, alias Baron noir, est de retour. Après avoir si longtemps œuvré dans l’ombre et « fait » les deux derniers présidents de la République, ce combattant et militant décide de présenter sa propre candidature à l’élection présidentielle. L’acteur Kad Merad interprète toujours avec talent et conviction son personnage fétiche, et il n’est pas prêt à le quitter. La diffusion de la passionnante et très mouvementée saison 3 de Baron noir commence ce 10 février sur Canal+.
Est-ce difficile de se remettre dans le personnage de Philippe Rickwaert ?
Kad Merad : Non, pas tant que ça. C’est un costume. On a un temps de préparation avant de tourner. On réessaye les costumes parce qu’entre temps, on prend un peu de ventre ou on en perd. (Il se tapote le ventre.) On change. On se remet petit à petit dans le bain, on retrouve d’autres acteurs, on fait parfois des lectures. Il y a un temps avant la première prise de vue. Après, cela va très vite. On rentre dedans tout de suite.
La chance que j’ai aussi, c’est qu’Eric [Benzekri, le co-créateur de Baron noir] et les autres scénaristes écrivent vraiment en fonction de mon énergie, de cette énergie que j’ai apportée dès la première saison avec Ziad [Doueiri, réalisateur de la saison 1 et saison 2 épisodes 1 à 4]. Après, je n’ai pas trop de difficulté. Et puis, je suis très impatient à chaque fois de lire, de tourner la première scène. On a commencé en mars [2019], avec la neige. J’ai commencé avec The Revenant, en fait. (Rires) J’ai dit : « Ils vont me faire dormir dans un cheval. » Là, je dors dans une chèvre parce qu’on a moins de moyens. (Rires)
Et pour les longues tirades, encore nombreuses cette saison ?
J’ai un souffleur avec un panneau. (Rires) Non, je travaille. Mais c’est mon boulot. On ne fait pas tout d’un coup non plus. On a l’impression de faire de long plan séquence, comme dans 1917 – que je n’ai pas vu – mais tout est truqué. Ce qui compte, c’est le résultat. On se débrouille entre nous. Il y a beaucoup de textes, d’info mais j’ai l’habitude. Le défi est de rendre cela naturel alors qu’on n’est pas des hommes politiques.
Avez-vous le sentiment, en tant qu’acteur, d’avoir encore quelque chose à prouver au public, d’être attendu au tournant avec chaque projet ?
J’ai toujours l’impression de recommencer ma carrière à chaque fois. Je sors tout le temps de ma zone de confort, je ne fais jamais la même chose. C’est vrai que sur Baron noir, je retrouve le même personnage mais, en tant qu’acteur, j’ai l’impression de recommencer à zéro à chaque fois. A chaque fois. Et ça, ça ne me laissera jamais tranquille.
Donc, en fait, vous n’avez pas de zone de confort.
Non. Et puis, j’essaye toujours de faire des choses… Là, je vais faire une mise en scène au théâtre. Je ne l’ai jamais fait. C’est comme si j’apprenais un nouveau métier. Et je viens de finir un film incroyable, Un triomphe. C’est l’histoire – vraie – de cet acteur qui donne des cours en prison à des détenus et qui finira par monter une pièce de Beckett. C’était passionnant à faire mais aussi très dur. En fait, je ne me pose pas trop de questions et en même temps, à chaque fois, j’ai l’impression qu’il faut recommencer à séduire, à plaire. Je n’ai rien à prouver, moi, personnellement, mais j’ai l’impression que je dois prouver quand même aux gens que je ne suis pas là par hasard, que je ne suis pas un imposteur.
Que vous apporte une série par rapport au cinéma, en tant qu’acteur ?
De très bonnes critiques. (Rires) De très très bonnes critiques. Voilà la vraie différence. La série permet quand même à un personnage de montrer beaucoup de facettes et, pour un acteur, d’avoir le temps. La difficulté au cinéma, c’est qu’on a qu’1h30–2h. Tout le monde est dans le même cas, évidemment. Là, j’ai l’impression qu’on reconnaît le travail. La différence, c’est ça : les critiques. Et aussi l’idée de revenir, de recommencer, de ré-endosser un costume, un personnage. Je ne sais pas jusqu’où on va aller. C’est une suite sans fin.
Pourtant, à Série Mania en 2018, vous avez dit : « Je quitterai la série quand je serais président. Mais vu que les scénaristes n’ont pas envie que je parte, mon personnage n’est pas près de devenir président ». La saison 3 le voit en campagne pour devenir président…
Je dis énormément de conneries. (Rires) Qu’on ressort souvent après. Il faut faire attention à ce qu’on dit. (Rires) En vérité, c’est un jeu entre Eric et moi. On est devenu très proches depuis le début de notre collaboration. Il est le scénariste, l’inventeur, le créateur. Et je suis un peu sa créature, quelque part. (Rires) Donc, c’est un jeu. Et j’ai toujours dit que je rêvais d’être président. J’ai commencé député maire à Dunkerque, j’ai été ministre du Travail, je suis passé par la case prison, sans toucher les 20 000. (Rires) Et j’avais dit pour rigoler : « J’arrêterai quand je serai président. » Ce qui est une vraie connerie de dire ça.
Ce que j’aime et que je trouve beau et bon dans cette saison 3, c’est la rédemption, l’ascension, les manipulations, les alliances et mésalliances. Après qu’est-ce qu’on peut faire ? Qu’est-ce qu’on peut raconter ? J’ai dit une bêtise, forcément. J’aime tellement ce rendez-vous avec Baron noir que je n’aimerais pas le quitter. Mais après, si on doit s’arrêter, on s’arrêtera.
Vous êtes-vous mis une limite pour la durée de Baron noir ?
Trois saisons, ce n’est pas beaucoup. Non, je n’ai pas de limite.
Que souhaitez-vous à votre personnage pour la saison 4 ?
Que tout cela s’apaise. J’aimerais que ce soit plus cool, que j’arrête de faire de la bagnole tout le temps. (Rires) La tendance des séries maintenant est d’être de plus en plus cynique comme Succession. On aime ces séries noires, comme Chernobyl. On est dans une noirceur absolue. Je regarde aussi Morning Show. Là aussi, ce n’est pas mal. Peut-être qu’avec Baron noir, on apporte un peu de lumière. Je veux de la bonne humeur, quelque chose de français, ce qu’on perd petit à petit, je trouve. Je rêve de douceur et de calme. (Sourire) Mais ce ne sera pas ça de toute façon. (Rires)
Crédit photos : ©Canal+
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