Après les morts, les superhéros, les aliens, les phénomènes bizarroïdes et autres créatures mystérieuses, M. Night Shyamalan s’attaquent aux enfants dans un film pour enfants. Mais comme d’habitude avec lui, il ne faut pas se fier qu’aux apparences. Quoique…
M. Night Shyamalan a réalisé un film pour enfants ! Lui qui s’était spécialisé dans l’étrange qui dérange fait un retour volontaire vers un genre qu’il n’avait pas abordé depuis son premier long métrage, Eveil à la vie (1998). « J’ai réalisé ce film quand j’avais 22 ou 23 ans. Un flop pathétique ! Je me suis alors tourné vers un autre de mes centres d’intérêt, le thriller surnaturel, et cela n’a pas trop mal marché donc je suis resté dans cette veine-là. J’ai deux côtés : un côté sombre torturé et un côté jeune très sentimental. C’est ce dernier qui m’attire plein d’ennuis. Eveil à la vie était trop gentil et sentimental. Mais étant devenu parent, je me sens plus en sécurité aujourd’hui pour revenir à ce genre. »
Le réalisateur a d’ailleurs découvert Avatar : Le dernier maître de l’air grâce à sa fille de 7 ans, fan de cette série animée créée en 2004 par Michael DiMartino et Bryan Konietzko. Il a alors acheté le dvd de la première saison et a regardé un épisode avec toute sa petite famille. Puis a enchaîné avec un deuxième, puis tous les autres. Il a accroché au côté spirituel de la série, à la philosophie bouddhiste, à la réincarnation, aux arts martiaux, au lien avec la nature, à la recherche de l’équilibre du monde mais aussi à des thèmes nettement plus sérieux comme le respect de la famille ou encore le génocide de toute une nation. « L’histoire porte aussi sur la maîtrise de soi en tant qu’être humain. Il y a beaucoup de Yoda dans ce film, d’idées spirituelles. C’est le premier blockbuster spirituel ! »
Un nouveau terrain de jeu
Le dernier maître de l’air reste un film atypique pour M. Night Shyamalan. C’est une adaptation et non un scénario original ; il n’a pas de grandes stars, et même un total inconnu dans le rôle-titre ; il a de longues séquences d’actions spectaculaires et des effets spéciaux numériques quasiment à chaque plan ; il n’a aucun lien avec la réalité ; et il va être converti en 3D.
« Je ne suis pas un mercenaire. Je ne peux pas prendre un sujet quelconque et juste me glisser dedans. J’ai un style qui ne peut fonctionner que dans les bonnes circonstances et il ne va pas avec tout. J’ai besoin d’un sujet avec lequel je peux être moi-même, que je peux m’approprier et réinventer. Le dernier maître de l’air est pour moi le juste équilibre entre ce qui m’est familier et ce qui m’est encore inconnu. C’est vrai que ce film est une première pour moi à certains égards même si j’ai touché un peu à tout dans tous mes films : un peu d’action dans Incassable, un peu d’effets spéciaux dans La fille de l’eau… Mais le film n’est pas tout le temps trépidant, il y a quand même des moments de quiétude, des passages centrés sur les personnages, comme à mon habitude. L’emballage est juste différent. J’ai essayé de faire du Hayao Miyazaki avec des personnages réels, c’est le ton que je voulais donner à mon film. Il y a une quiétude dans ses films qu’il sait juxtaposer à des moments spectaculaires. Kubrick utilisait la quiétude pour accentuer le côté dérangeant de ses films. Hitchcock faisait la même chose avec ses thrillers et Miyazaki dans ses films de fantasy. C’est de cette façon que je voulais aborder ce projet. »
Quant à la 3D, l’idée a toujours été plus ou moins d’actualité. « Moins que plus d’ailleurs car c’était trop pour moi de tourner le film directement en 3D, je ne pouvais pas gérer cela en plus des effets spéciaux et de tout le reste. C’était trop compliqué et je ne savais pas comment le faire. Maintenant que j’ai tourné le film, qu’il me semble bien, je suis plus ouvert à cette idée de 3D. Et Le dernier maître de l’air, c’est de la fantasy. Comme en animation, il y a cette absence d’incrédulité et un côté hyperréel que l’on accepte immédiatement et la 3D nous y aide. C’est un outil supplémentaire pour créer mon film. »
Un avatar pour quatre éléments
Le dernier maître de l’air est l’histoire de quatre nations et des quatre éléments – l’air, l’eau, la terre et le feu. Chaque nation contrôle un élément. Un seul individu peut contrôler les quatre éléments, l’avatar. « Il n’a rien à voir avec celui de James Cameron, précise M. Night Shyamalan. Ce sont deux entités très différentes. Son avatar est une version simulée par ordinateur d’une personne. Mon avatar est une déité dont le nom vient du sanscrit. Mon avatar est un Dalaï Lama qui sait être physique quand il le faut. Quand cet avatar naît, il préfère se sauver que d’affronter sa condition et se retrouve congelé dans de la glace pendant 100 ans. A sa libération, il découvre que toute sa tribu a été décimée et que le monde ne connaît que le chaos. Il maîtrise déjà l’air, d’où son nom, Airbender, le maître de l’air, mais il lui reste à apprendre le contrôle des trois autres éléments. » Et à surmonter sa culpabilité d’avoir fui, à libérer les opprimés d’un tyran, à rendre son équilibre au monde… Le dernier maître de l’air, ce n’est quand même pas Oui-Oui va à l’école. Enfin, il faut l’espérer.
Article paru dans Studio Ciné Live – N°18 – Septembre 2010
Crédit photos : © Paramount Pictures