Clovis Cornillac est de retour dans les rôles de Marius dans Brice 3 (dans les salles le 19 octobre) et de Chef dans Chefs saison 2 (prochainement sur France 2). Un grand écart entre deux personnages et deux médias qu’il assume avec toujours autant de passion et sans réserve.
Pourquoi avez-vous accepté de jouer dans Brice 3 ?
La camaraderie. Jean Dujardin et le réalisateur James Hunt sont mes potes. J’ai aussi déjà fait cinq films avec les producteurs. La première aventure Brice de Nice était tellement décalée par rapport à tout ce qui était attendu. Le film a été difficile à monter mais ensuite il a fait un carton. On a tous eu des carrières très différentes après Brice mais on s’aime et on est heureux de retrouver ces personnages, de les faire revivre.
C’est un film de potes mais le tournage en Thaïlande n’était pourtant pas des vacances.
Le jour où je me croirais en vacances sur un tournage, je ne serai pas loin du suicide. (Rires) J’ai toujours fait un film par conviction. Parce que j’ai cette chance, ce luxe. Je comprends absolument qu’un acteur accepte un film pour de l’argent parce qu’il faut bien manger, mais il doit alors le faire bien et l’assumer sinon c’est une attitude nase. La notion de travail a toujours été importante pour moi. Réaliser mon premier film, Un peu, beaucoup, aveuglément, m’a fait me rendre compte du manque de travail de beaucoup de gens avec qui j’ai bossé ces trente dernières années. Cela m’a fait beaucoup de peine. Je suis un bon soldat et, en tant qu’acteur, je suis au service des réalisateurs. Mais j’ai toujours pensé que, comme moi, ils donnaient leur maximum. En fait, ce n’était pas le cas pour plus de la majorité d’entre eux. Je n’aime pas qu’un film soit raté mais de savoir que c’est parce qu’il n’a pas été bossé ni réfléchi, c’est triste. Je ne comprends pas ceux qui se lancent dans une aventure sans se donner à 200%.
Cette année, vous faites le grand écart entre le sympathique Marius et le très antipathique Chef.
J’ai de l’empathie pour ces personnages qui ne sont pas forcément sympathiques. Ils sont toujours surprenants et avec eux, tu peux explorer des recoins psychologiques mais aussi le violent, le drôle. Les héros et les personnages que l’on qualifie de gentils m’ennuient énormément. J’aime quand ils sont plus complexes et dingues. L’empathie que les gens ont pour Chef vient aussi du fait que moi aussi j’en ressens pour lui. Il y a aussi cette notion que tout est possible avec lui : si demain il tue quelqu’un, j’y crois, s’il sauve un enfant, j’y crois aussi. Il peut se marrer à un enterrement et pleurer à une naissance. J’aime ce genre de personnages comme ceux de Breaking Bad, Sur écoute, Ray Donovan, Luther… House of Cards ! Frank Underwood est un mec que tu devrais détester mais tu l’adores. Il est monstrueux et pourtant cela te défrise que des types lui mettent des bâtons dans les roues. (Rires) Cela nous met face à notre fascination du mal. C’est jubilatoire. Et intéressant.
Vous travaillez déjà sur votre second film. Encore une comédie romantique ?
Non, j’aime me promener dans les genres. C’est la liberté de Jean Genêt en prison. Le genre te permet de raconter les choses de manière très discrète et très élégante. Si tu fais une comédie, la première promesse que tu dois tenir est que les gens s’amusent. Mais derrière, il y a des sujets : le couple, la paternité, le courage… J’ai souvent eu plus d’émotion avec un sujet parce qu’il était caché, qu’il ne m’était pas donné frontalement. J’ai des idées sur des films de genre qui mettent en perspective des sujets plus… personnels.
Article paru dans Azimut – Automne 2016