Le showrunner Joseph Mallozzi et le producteur exécutif Jay Firestone présentent leur nouvelle série, Dark Matter, tirée du comic book éponyme créé par Joseph Mallozzi et Paul Mullie. Leur pitch : quand six Jason Bourne rencontrent les Soprano dans l’espace. Tout un programme.
Que pouvez-vous nous dire de votre nouvelle série ?
Joseph Mallozzi : Pour résumer, c’est l’histoire de six individus qui se réveillent dans un vaisseau spatial sans se souvenir de qui ils sont ni comment ils ont atterri dans ce vaisseau ni qui sont les autres. Ils commencent par explorer le vaisseau et découvrent que quelqu’un a effacé la mémoire du vaisseau. La seule chose qu’ils apprennent est la destination du vaisseau. Ils suivent donc cette voie, espérant trouver des réponses. Ce qu’ils trouvent les lance dans un voyage vers la découverte de qui ils sont réellement. La série est très feuilletonnante. Il a ce grand mystère quant à qui ils sont et ce qui est arrivé à leur mémoire. Ils découvrent que quelqu’un a effacé leur mémoire et que c’est probablement l’un d’entre eux. Il y a plein de petits mystères au cours de la saison. Nous savons exactement où nous allons et avons disséminé ici et là des indices pour que les spectateurs les trouvent et les assemblent. Il y a une grosse révélation dans l’épisode 11 et au moins trois personnes sont venues me dire qu’ils avaient repéré une réplique dans l’épisode 3 qui auraient pu les mettre sur la voie. Il n’y a vraiment rien de mieux que d’inventer un puzzle pour le public. La rédemption est au cœur de cette série. Il y a cette question de l’inné et de l’acquis, naissons-nous mauvais ou le devenons-nous ? Il y a quelques personnes sur ce vaisseau qui ont fait quelque chose qu’elles regrettent. Elles aimeraient revenir en arrière et tout changer. Mais à savoir s’ils peuvent aller de l’avant et changer. Cela dépend de ce en quoi vous croyez. Vous avez six personnes, très dangereuses, et nous les explorons de six manières très différentes.
Pouvez-vous nous présenter ces personnages ?
JM : Comme ils ne savent pas qui ils sont, et le public non plus, ils se nomment dans l’ordre de leur réveil. Un est la voix de la raison. Il est comme un poisson hors de l’eau, il est maladroit et, contre toute attente, le héros. Deux est notre leader. En science-fiction, vous ne voyez pas souvent de femme qui soit à la fois forte et à un poste de leader. Elle est celle qui doit garder l’unité. Trois est le dur à cuire. Il est notre Han Solo. Les trois premiers personnages ont une relation intéressante. Deux doit être forte tout en étant indifférente envers les autres. Il y a cette pression constante entre Un et Trois. Un représente le bien, celui qui veut aller de l’avant. Trois ne sert que ses intérêts et dit toujours : « Vous ne pouvez pas aider tout le monde, parfois vous ne pouvez que vous aidez vous-même. » Leur dynamique est vraiment intéressante. J’ai suivi beaucoup d’influences en écrivant cette série dont de vieilles séries, des dessins animés, des comic books. Une série appelée Cowboy Bebop m’a aussi beaucoup inspiré. Le personnage Quatre est presque un hommage aux dessins animés classiques contemporains. C’est un personnage vraiment intéressant. Alex [Mallari Jr.] est étonnant. Il a appris l’épée si rapidement et si bien avec John Stead, notre coordinateur des cascades. Il s’entraîne régulièrement et veut toujours essayer une nouvelle arme ou un nouveau mouvement. Nous allons découvrir que son épée est une épée de cérémonie liée à son passé. A un moment, Trois lui demande ce qu’il trouve à cette épée et Quatre répond : « Je suis plus rapide avec cette épée que toi avec ton pistolet. » Le personnage Cinq est joué par Jodelle Ferland. J’ai travaillé avec elle quand elle avait 12 ans sur Stargate : Atlantis et elle était excellente. Elle connaissait toutes ses répliques et faisait office de souffleur quand les autres acteurs avaient un trou de mémoire. Je n’ai jamais oublié cela. J’ai un blog sur Internet où j’écris chaque jour depuis huit ans. J’y mets des photos et j’y présente les gens avec qui je travaille. J’ai une entrée sur le fait que jamais je n’oublierai mon travail avec Jodelle. Mais pour le casting, les autres avaient autant de chance qu’elle. Elle est actrice depuis qu’elle a deux ans. Elle pétille à l’écran. Son personnage est très intéressant. Elle commence à parler de choses dont elle se souvient mais réalise qu’elle a en fait tous les souvenirs des autres dans sa tête.
Jay Firestone : Son look est celui qu’elle avait quand elle a été à un Comic Con en tant que fan. Elle s’était habillée d’un costume de personnage animé. Elle nous montrait ses photos quand j’ai dit : « Est-ce que Cinq peut avoir des cheveux verts ? » Elle aimait vraiment ce look. Les fans vont la dessiner et s’habiller comme elle. C’est elle qui inspirera le plus de fan art.
JM : C’est une vraie geek et une grande fan de l’animation. Les fans vont adorer. Le personnage Six est le pendant de Deux. Il est raisonnable et essaye toujours d’arranger les choses. Il est très intelligent et a de bons instincts. Il est l’équivalent moral de Deux. Les meilleures scènes sont celles avec Six et Cinq car ils ont cette dynamique du grand frère et de la petite sœur. L’Androïde est unique, elle est proche de Marvin dans H2G2 : le guide du voyageur galactique. Elle est très drôle.
JF : Chaque personnage découvre qui il est dans cette saison et l’Androïde découvre ce pour quoi elle a été programmée et que ses programmes ne sont pas ceux qu’elle pensait.
Chaque épisode est-il dédié à un personnage ?
JM : Nous avons un mélange sympa. Nous avons des épisodes individuels et des épisodes collectifs. C’est comme peler un oignon. Vous apprenez qui est chacun d’eux au cours de cette saison. Il y a des épisodes dédiés à chaque personnage mais ils intègrent aussi les autres personnages. Par exemple, vous aurez un flashback sur le passé d’un personnage ou autre mais il sera intégré à l’histoire de l’épisode. Comme dans Orange is the new black quand ils vous donnent le passé d’un personnage spécifique dans un épisode. A chaque fois que je demande à quelqu’un qui est son personnage préféré, j’ai toujours une réponse différente. Si vous regardez toutes les autres séries qui ont été faites, la science-fiction a passé le test du temps. Peut-être que ce genre n’est pas aussi important que les autres mais les fans sont toujours là. Un concept attire le public vers une série mais ce sont les personnages qui le font rester. Ce groupe de personnages est au cœur de la série et représente une autre famille pour les spectateurs. Ils regardent la série comme ils rendraient visite à leur famille. Je crois que nous avons fait du bon travail avec ce groupe de personnages.
En quelle année se passe la série ?
JM : L’histoire se passe dans les 2 ou 300 ans dans le futur. Les hommes ont quitté la Terre pour explorer l’univers. Mais au lieu d’avoir des pays, nous avons des entreprises multinationales parce que c’est là où est l’argent. Nos personnages vont devoir naviguer parmi les lois de ces sociétés intergalactiques.
Savez-vous déjà comment va se dérouler la série ?
JM : Chaque saison a 13 épisodes. Les saisons sont feuilletonnantes mais chaque épisode a sa propre intrigue. Par moments, nous nous concentrons sur un personnage. Idéalement, chaque saison représentera un chapitre de la série. Nous comptons sur cinq saisons puis nous ferons un long métrage. (Rires)
Combien est-il difficile d’écrire et de vendre une marque qui n’a pas de franchise ?
JM : Tout est arrivé parce que Jay [Firestone] a lu le comic book !
JF : J’ai rencontré les gens de Syfy à New York. Ils voulaient revenir à leurs racines, ils voulaient un space opera, quelque chose que les fans de l’espace voudraient regarder et pas seulement une série liée à la fantasy. Ils voulaient une série authentique, basique et se passant dans l’espace. J’avais le roman graphique de Joseph [Mallozzi] sur mon bureau. Vous ne pouvez pas avoir meilleur outil pour vendre un concept. J’avais juste à leur envoyer.
A quel point la série est fidèle au roman graphique ?
JM : Plutôt fidèle. Les deux premiers épisodes couvrent les deux premiers numéros du roman. Les épisodes 3 et 4 sont très proches des autres numéros. Mais quand vous entrez en production, il survient toujours quelques changements. Nous avions un grand camp de mineurs mais nous avons dû nous adapter et trouver un lieu de tournage qui soit cool.
JF : Quand nous avons commencé le casting, nous étions d’accord pour ouvrir tous les rôles à tous les genres et ethnicités. Les rôles seraient attribués aux meilleurs acteurs. Dans le cas de l’Androïde, dans le roman, c’est un homme – et je l’ai toujours imaginé de sexe masculin – mais Zoe Palmer est celle qui a le mieux réussi l’audition. Le personnage est donc devenu de sexe féminin dans la série. Pour le personnage Quatre, nous avons choisi l’acteur qui savait le mieux manier une épée [Alex Mallari Jr.].
Qu’a votre série que les autres n’ont pas ?
JM : Je ne vois pas beaucoup de série de science-fiction et d’action très feuilletonnante. Nous traitons la saison comme une mini-série. Paul [Mullie, le scénariste et co-créateur de Dark Matter] et moi tenons notre expérience de Stargate où la production était drastique. Ce qui veut dire que nous n’avons pas explosé notre budget sur les deux premiers épisodes que nous les avons écrits de manière efficace. Le département artistique n’a pas eu de mauvaise surprise parce que Jay a monté une équipe épatante. Tout le monde est bon dans sa partie. Jay a passé cinq ans avec eux sur la série Lost Girl. Vous pouvez comparer notre série aux autres, elle semble tout aussi bonne. Notre production est très efficace. L’argent est dépensé pour ce que nous voyons à l’écran et non pour autre chose.
Comment pensez-vous attirer le public qui ne s’intéresse pas à la science-fiction ?
JM : Si vous faites une série qui ne contient que des effets spéciaux, des vaisseaux spatiaux et des échanges de coups de feu, vous ne durez pas longtemps. C’est pourquoi nous nous sommes concentrés sur le développement des personnages, de façon à ce que le public s’identifie à eux. Vous en aimerez certains, en détesterez d’autres. Tout le monde a fait quelque chose qu’il regrette et cette série nous permet de réfléchir à cela. Et si nous pouvions effacer tout ce qui nous est arrivé dans notre passé ? Je pense qu’être ou non fan de science-fiction importe peu dans ce cas-là. Vous aurez envie de regarder la série. Ce que j’aime dans Game of Thrones ou Breaking Bad, c’est que ces séries vous disent : « C’est la vie. » Dans chaque épisode, il y a matière à discuter de ce qui arrive. C’est ce que nous voulons faire. Nous savons que les fans de science-fiction vont regarder mais nous voulons que la série aille au-delà d’eux, que d’autres réalisent que cette série est sympa à suivre. Nous espérons attirer d’autres publics. Ce que la science-fiction ne fait pas en revanche, c’est apporter de l’humour. Dark Matter n’est pas une comédie mais il y a un humour sous-jacent qui rend les moments sombres moins sombres. Et chaque personnage a un humour différent.
Table ronde réalisée sur le tournage de Dark Matter, à Toronto – 22 avril 2015
Crédit photo : Dark Matter_©_2015 Endemol Productions
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