Kevin Murphy, showrunner et producteur exécutif de Defiance, présente la saison 3 de sa série. Une aventure qui n’est jamais de tout repos, que ce soit pour lui ou ses personnages.
Qu’est-ce qui nous attend dans cette saison 3 ?
Kevin Murphy : Sur toute série de genre, il est important de jouer avec le bouton reset entre deux saisons, surtout dans le cas de notre série où vous avez une bonne année d’attente. Vous pouvez profiter de la pause et apporter quelque chose de neuf. D’une certaine façon, nous faisons cela à chaque saison. D’une certaine façon, nous faisons une mini-série de 13 heures et nous ne reprenons pas là où la saison précédente s’est exactement arrêtée. J’ai travaillé sur Desperate Housewives. La saison 1 finissait sur un coup de feu. Quand la saison 2 a démarré quelques mois plus tard, elle commençait avec les conséquences de ce coup de feu. L’action était continue. Dans notre cas, ce serait frustrant pour notre public de devoir attendre un an afin de connaître la suite d’un événement dramatique de 30 secondes survenu dans l’épisode final. La saison 3 se passe sept mois après la fin de la saison 2 et beaucoup de choses sont arrivées. Joshua Nolan était sous terre à la fin de la saison 2, les agissements d’Irisa ont en effet détruit la Terre, les gens ont pillé l’armurerie et les réserves de la ville. Defiance, autrefois florissante grâce aux mines de gulanite, a perdu sa source de richesse. Les mines ont été détruites et les mineurs ont donc du temps à perdre et peu de choses à faire. Les gens deviennent des criminels. La population est passée de 5 à 6 000 personnes à 2 500 habitants. L’électricité est rationnée. La ville est souvent plongée dans la pénombre et devient terrifiante. Toutes les scènes sont alors éclairées à la bougie ou avec des lampes à huile. Le seul endroit qui apparaît normal est le NeedWant grâce à son arbre digba bioluminescent qui fournit de la lumière la nuit. C’est donc là que tout le monde se réunit à la nuit tombée et quand il fait froid. C’est aussi ce qui est différent cette année. Nous avons tourné pendant l’hiver et la météo s’est montrée affreuse avec les équipes artistique et technique. Mais cela donne des images d’une grande beauté. C’est comme un magnifique enfer irisé qui donnerait à la ville un parfum de terreur.
Que pouvez-vous nous dire sur Nolan dans cette saison 3 ?
Il ne reste pas sous terre. (Sourire) Il refait surface avec Irisa et il est sauvé par une nouvelle race d’aliens. C’est un autre ajout de cette année. Ces nouveaux aliens s‘appellent les Omecs. Nous gardons encore secret leur look [la table ronde a été réalisée le 21 avril 2015]. C’est la première race votane, la plus avancée. Le fait que personne n’a encore parlé d’eux sur Terre devient vite évident. Nous dévoilons une partie de ce mystère dès le premier épisode. Au final, ce sont des prédateurs, les alphas, ceux qui sont en haut de la chaîne alimentaire. Les autres races votanes étaient leurs esclaves, à la fois pour le sexe et pour servir de nourriture. Quand il a été question de trouver un paradis sur notre Terre, les races votanes se sont alliées pour anéantir les Omecs afin qu’ils n’arrivent pas sur Terre en premier et leur volent ce paradis. Tous les royaumes et les planètes qui étaient sous le joug des Omecs ont renversé les chefs suprêmes mais nous allons découvrir qu’un vaisseau a survécu. Il leur aura fallu 35 ans de plus mais aujourd’hui, ils sont sur Terre. La question est de savoir ce qu’ils vont faire. Jusqu’à présent, nous parlions de l’opposition entre les humains et les Votans. Mais les Omecs n’ont pas de problèmes avec les humains. En revanche, les Votans ont commis un vrai génocide. C’est leur sale petit secret. La saison va expliquer cette relation entre les Omecs, les humains et les Votans, contre qui ils ont une grande dent. Nous allons aussi découvrir que les Indogènes ont une relation très spéciale avec les Omecs. Ils sont artificiels et ont été créés par les Omecs pour servir de nourriture. Les Omecs ont créé des organismes génétiquement modifiés et trouvaient amusant que leur nourriture soit intelligente, qu’elle crie quand elle reçoit un coup de dent, qu’elle court partout pour pouvoir la chasser. Au final, ces OGM sont devenus les Indogènes. Ces derniers en ont eu assez d’être bons, ils se sont rebellés et sont devenus une nouvelle race votane. Cette saison, nous creusons aussi l’histoire de la relation entre Doc Yewll et les Omecs.
Quelles sont les répercussions des actions d’Irisa dans cette saison ? Et comment se relève-t-elle de ce qu’elle a fait ?
Irisa est paumée. C’est une bonne partie de son histoire dans cette saison, elle va réfléchir à son rapport à la violence et à sa vie dans ce monde misérable. Elle va se sentir coupable et sera terrifiée à l’idée d’affronter les autres en revenant à Defiance. Tout le monde sait ce qu’elle a fait. La réaction qu’elle va avoir ne sera peut-être pas celle que vous attendez car ce n’est pas une réaction habituelle. La relation avec son père est toujours au cœur de la série. Il lui a appris un certain mode de vie et notamment à tuer et à ne pas laisser ses victimes en vie pour qu’elles ne reviennent pas se venger. Nolan n’a pas hérité de son surnom de “Boucher de Yosemite” pour rien. Il est tout câlin avec sa fille mais avant de l’adopter, il était terrifiant et dangereux. Nous allons passer pas mal de temps dans le passé cette saison et découvrir qui il était avant et au début de sa relation père/fille avec Irisa. Nous allons voir Irisa passer de la petite fille à la femme et se poser plein de questions. Et pour grandir et apprendre qui elle est, elle va devoir, symboliquement, tuer ses parents, ses profs et ses mentors. Cela va être intéressant de la voir faire ce voyage et de voir Nolan la perdre peu à peu. Cela va être incroyablement douloureux pour lui car il aime le fait qu’il n’est plus le Boucher de Yosemite et qu’il est vu comme un héros. Il fait régner la loi maintenant et ne l’enfreint plus. Il a peur qu’en perdant Irisa il rechute et redevienne le monstre qu’il était. Il aime les effets que la famille qu’il a créée a eus sur lui et je frémis à l’idée que si quelque chose arrive, il redevienne cet être égoïste. Quiconque devient un adulte heureux, ou en tout cas relativement équilibré, a peur de tout perdre. C’est ce que va vivre Nolan. Même si c’est de la science-fiction, nous essayons de faire en sorte que ce que les personnages vivent soit réel et aussi proche que possible de notre monde.
Que pouvez-vous dire sur Datak ? Dans la saison 1, il était ce personnage menaçant alors que dans la saison 2, il touche le fond. Va-t-il revenir au pouvoir ?
Pendant la saison 2, Datak réalise qu’il ne peut pas tout faire tout seul. Le mariage des Tarr a survécu parce que dans la saison 1 Stahma avait peur de son mari et peur qu’il ne la tue. Elle avait peur qu’il découvre sa liaison avec Kenya et qu’il la fasse disparaître. Ils appartiennent à cette terrible société patriarcale des Castithans. Ils sont le reflet de certaines des pires traditions qui existent aujourd’hui dans certaines de nos cultures. Dans la saison 2, Datak étant en prison, Stahma se place sur le devant de la scène et réalise que les choses ne peuvent redevenir comme avant. C’est ce qui mène en partie Datak à toucher le fond parce qu’il n’a plus le soutien de sa femme. Je crois que Datak réalise à la fin de la saison 2 qu’ils sont mieux quand ils font équipe. Ils finissent par diriger le Collectif de Votanis, par se retrouver dans une position difficile avec toute la ville liguée contre eux mais ils s’en sortent parce qu’ils travaillent en équipe. Ils placent la famille au-dessus de tout même si ce sont des personnes cupides, narcissiques et égoïstes.
Comment avez-vous décidé du look des Omecs. Avec déjà plusieurs races dans la série, vous deviez vous assurer que leur look serait encore différent.
Quand nous avons créé le design des premiers aliens de la série, nous ne savions pas ce que nous faisions. Tout était nouveau à tout point de vue et le pilote montrait déjà beaucoup de races différentes. Aucune autre série n’avait encore fait cela, montrer autant d’aliens différents en même temps. Nous avons mené beaucoup de recherches et essayé beaucoup de choses pendant toute la première saison et vite découvert ce qui était faisable et ce qui ne l’était pas. Les Omecs sont devenus la synthèse de tout ce que les départements maquillage et coiffure ont appris sur les deux premières saisons. Nous utilisons l’aérographe pour leur donner un vrai look d’alien, avec des pigments et différentes teintes de peau. J’ai inventé le passé culturel des Omecs mais le concept artistique vient de Stephen Geaghan, le chef décorateur, et de l’équipe artistique. Ils m’ont soumis plusieurs croquis et j’ai pris celui qui me plaisait le plus. C’est vraiment un cas où toute l’équipe design décide de ce qu’elle veut pour la suite, à savoir une race d’alien qu’elle aimerait voir et revoir. Le design des Omecs a ensuite déterminé le look de leur vaisseau et les costumes.
Chaque saison voit la mort d’un personnage récurrent. Comment prenez-vous cette décision ?
Je ne le fais pas à la légère car je suis conscient que derrière chaque personnage vit un être humain réel qui a une relation émotionnelle avec lui. Je pense vraiment aux répercussions que cette mort aura sur la série. Elle doit créer une nouvelle expérience pour les téléspectateurs, même s’ils sont en colère sur le moment, et engendrer de nouvelles histoires. Prenez l’exemple de Game of Thrones, célèbre pour tuer ses personnages, vous pensez que Ned Stark est celui qu’ils ne tueront jamais mais quand ils le font, cela crée des intrigues intéressantes. Tout à coup, tous les enfants Stark deviennent des cibles à abattre et cela augmente le danger et les enjeux autour de Catelyn. Cette mort était utile. Dans notre série, la mort de Kenya a créé une tension énorme dès qu’Amanda Rosewater découvre ce qui a été fait à sa sœur et a également des conséquences sur la ville. Cela se répercute sur la saison 2 et continue à avoir des effets dans la saison 3. Il ne faut pas tuer un personnage juste pour choquer. Cela devient pervers et rend le public furieux si la mort ne crée pas autre chose ni ne rend les choses plus intéressantes.
Pourquoi vos héros n’ont-ils pas le droit d’être heureux ? Le bonheur est-il plus ennuyeux que l’adversité ?
Je pense qu’il y a toujours un danger à ce qu’un personnage obtienne ce qu’il veut. Dans House of Cards, je trouvais plus satisfaisant de voir Francis Underwood se battre pour atteindre le sommet que de le voir président. Il est toujours plus intéressant de voir les personnages chercher à obtenir ce qui n’est pas à leur portée. Occasionnellement, vous accordez un moment de bonheur à un personnage parce que cela rend la série plus accessible et alors il y a de l’espoir et de l’optimisme. Mais vous ne voulez pas qu’un personnage soit trop confortable car alors vous commencez à réfléchir à comment vous en débarrasser. Je pense qu’une des pires choses que nous avons faites dans Desperate Housewives a été de mettre ensemble Susan et Mike le plombier car ce qui motivait Susan a alors disparu. Il était ensuite difficile de trouver des histoires pour eux. Vous devez faire attention à ne pas les rendre trop heureux, même si c’est ce que les téléspectateurs veulent. C’est bon d’avoir aussi des téléspectateurs révoltés.
Table ronde réalisée sur le tournage de Defiance, à Toronto – 21 avril 2015
Crédit photo : Defiance Saison 3_©_2014_Open_4_Business_Productions_LLC
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