Après plus de dix ans d’attente, Wes Craven signe enfin un nouvel affrontement entre Sidney et Ghostface, désormais tueur culte du cinéma d’horreur. Le réalisateur revient pour nous sur sa saga et les secrets de son succès.
« Quand j’ai lu le scénario du premier Scream, j’ai refusé de le réaliser à cause de sa scène d’ouverture très violente, » raconte Wes Craven. Un comble pour le maître ès horreur qui dès 1972 et La dernière maison sur la gauche allait être à la fois conspué et vénéré pour l’audace terrifiante de ses films. « J’ai toujours eu ce sentiment d’attirance/répulsion à faire un film d’horreur de plus, pensant que je devrais peut-être arrêter. J’ai donc refusé le projet. Puis j’ai entendu dire que Drew Barrymore voulait le faire. Et puis il y eu ce gosse, lors d’une convention, qui m’a dit : « M. Craven, vous devriez refaire un film qui tue ! ». Mais cette ambivalence est toujours présente. »
Pas assez cependant pour que Wes Craven abandonne ce plaisir qu’il prend non seulement à tourner des Scream mais aussi à tordre le cou aux critiques qui accusent ses films de nourrir la violence dans la société et à batailler la censure de la Motion Picture Association of America qui décide de la classification des films. « Je pensais avoir des problèmes avec la MPAA parce qu’il y a beaucoup de sang dans Scream 4 mais non, comme pour les trois autres, on nous a donné un R (Restricted, les mineurs de 17 ans et moins doivent être accompagnés d’un adulte), sourit le réalisateur. Avec la MPAA, on ne sait jamais à quoi s’attendre. Dans Scream 1, ils voulaient retirer tout le troisième acte, la scène de la cuisine où les deux tueurs se poignardent l’un l’autre. Bob Weinstein [un des producteurs, NDLR] a dû leur expliquer que c’était une comédie pour les faire changer d’avis ! Ils m’ont quand même fait couper un plan où le sang coule trop selon eux. » Wes Craven a utilisé 190 litres de faux sang dans Scream 1… « Je sais que j’ai une responsabilité en tant qu’artiste, poursuit-t-il. J’essaye de montrer que quoi que fasse Ghostface, c’est du sérieux. Et quand Sidney joue les sheriffs et doit tuer, elle n’y prend jamais plaisir. Mais le film d’horreur est aussi une façon de faire face à la violence de notre monde actuel, comme un exorcisme. On met toutes les peurs du monde dans un environnement contrôlé et on ajoute un héros qui va vaincre ces peurs. »
Et dans le cas des Scream, en rire et faire rire. En 1996, Scream 1 redonne un coup de jeune au film d’horreur en recyclant tous les codes du genre pour mieux s’en amuser. Tueurs et victimes connaissent les films d’horreur et s’en servent pour tuer ou survivre. « Scream 1 montrait l’évolution du genre sur les dix à vingt années passées, raconte Wes Craven. On en énonçait les règles pour tout de suite les enfreindre afin que le spectateur ne sache pas à quoi s’attendre. Celui qui dit « Je reviens tout de suite » doit mourir mais dans Scream, celui qui le dit est le tueur. Celle qui fait l’amour doit mourir mais Sidney fait l’amour et survit. Le spectateur pense connaître toutes ces règles cliché du genre, mais il a tort. C’est peut-être ça la recette de cette saga : être inattendu et imprévisible, inquiéter les gens, les effrayer en les menant sur un territoire inconnu… »
Wes Craven appliquera ce même concept à la suite, Scream 2, qui se moque des clichés des suites de films, au troisième épisode, Scream 3, qui se moque des clichés des trilogies de films, et au quatrième chapitre qui se moque des énièmes suites et des remakes. « Scream 4 montre l’évolution du film d’horreur de ces dix dernières années : les histoires de fantômes venues du Japon, les films de torture pornographique, les remakes, les suites à n’en plus finir, énumère le réalisateur. Un film a du succès et on en fait 25 suites ! J’ai moi-même produit deux remakes de mes propres films (La dernière maison sur la gauche et La Colline a des yeux). Scream 4 se moque de tout ça. Je sens que les spectateurs s’ennuient et qu’il est temps pour quelque chose de nouveau et de différent. C’est le cas avec Scream 4. Je n’ai d’ailleurs jamais vu Scream comme une série de suites mais comme une histoire en son entier et centrée sur l’évolution des trois personnages principaux, Sidney, Gale et Dewey. »
Et ces trois-là n’ont pas fini d’évoluer car Scream 4 est résolument le début d’une nouvelle trilogie où il faut s’attendre à tout et où tout est permis. « J’ai toujours pensé que ce serait génial si Sidney était le tueur, sourit Wes Craven. Avec Scream, toutes les options sont ouvertes. »
Article paru dans Studio Ciné Live – N°26 – Mai 2011