Il a parfait son talent et sa cool attitude dans de petits films indépendants sans pour autant renier les grosses productions comme aujourd’hui Gangster Squad. En pleine préparation de sa première réalisation, Ryan Gosling nous a accordé une interview exclusive. Mais sans avoir vu son propre film.
Pouvez-vous commencer par présenter votre personnage, Jerry Wooters?
Ryan Gosling : Jerry est quelqu’un qui ne voit pas l’intérêt, bien qu’il soit flic, de s’impliquer, surtout émotionnellement, dans ce qui se passe car tout le monde est corrompu, tous les flics travaillent pour Mickey Cohen. Vous jetez un type en prison, il en ressort en quelques heures. C’est aussi quelqu’un qui pense avoir payé sa dette à la guerre et être chanceux d’être en vie. Pour lui, d’autres peuvent mener le combat. Il se cache dans les bars, faisant semblant d’être sous couverture pour rester loin des ennuis. A un moment, il dit au personnage de Josh Brolin : « Quand on est rentré de la guerre, on a vu que la ville était sous l’eau. Tu as pris un seau, j’ai pris un maillot de bain. » Je veux cependant souligner que quand je parle de Jerry Wooters, le personnage, ce n’est pas le Jerry Wooters qui a vraiment existé. Les deux sont très différents. Le vrai était plus courageux et moins équivoque quant à ses capacités. On joue plus avec son hésitation dans le film parce que cela fonctionne mieux d’un point de vue dramatique. Cela permet de créer un tournant dans son parcours, qu’il soit affecté par la mort d’un de ses amis et que cette mort soit un déclencheur pour le faire rejoindre la Gangster squad. Mais cela donne une fausse image du vrai Jerry.
Votre personnage a cet échange avec un gangster qui est à terre et qui lui dit : « Tu ne peux pas me tuer, tu es flic. » Et Jerry répond : « Plus maintenant. »
Et il le tue de sang-froid. Oui. A la base, les flics de la Gangster Squad devaient rendre leur badge pour en faire partie, abandonner leur éthique de policiers et devenir des gangsters pour combattre les gangsters.
Ils ne sont pas très doués au début.
Non, en effet. (Rires)
Diriez-vous que Jerry est le personnage le moins torturé que vous avez joué jusqu’à présent ?
Il est quand même en conflit avec lui-même car il se cache un peu comme un lâche alors qu’il fait partie des gentils. Il est aussi torturé parce que s’il avait rejoint la Gangster squad quand on lui avait demandé la première fois, son ami serait peut-être encore en vie. Mais il possède également une sorte de légèreté que mes autres personnages n’avaient pas.
En quoi Gangster squad diffère-t-il des autres films de gangsters comme Les Incorruptibles, L.A. Confidential ou Le Parrain ?
Sans l’avoir vu, c’est difficile. Mais je vois le film plus comme une comédie que les autres films que vous citez. Avec un côté cartoon. Je ne le comparerais en aucun cas au Parrain car on ne cherche pas l’authenticité mais la fantaisie.
Le film n’a rien d’une comédie.
(Rires) Ca y ressemblait pourtant quand on l’a tourné.
Il est plus proche des Incorruptibles, avec quelques moments de légèreté mais surtout des situations dramatiques et de l’action.
J’imagine qu’il faut que je le voie.
En quoi la fusillade dans le cinéma d’Aurora, lors de la projection de The Dark Knight Rises, a fait du tort au film [Dans Gangster Squad, une séquence montrait une fusillade dans un cinéma, elle a dû être modifiée suite à la tuerie d’Aurora]?
(Il réfléchit) Je ne sais pas. Non, je ne sais pas.
Que pensez-vous de cette décision de remplacer la séquence de la fusillade dans le cinéma par une autre ?
Les films appartiennent à leur réalisateur. Si le réalisateur décide de retourner son film, si ce n’est plus le film qu’il veut, c’est mon rôle de le soutenir dans son choix. C’était la décision de Ruben Fleischer. Je n’avais pas un avis plus qu’un autre. Ce n’est pas mon film.
Pensez-vous que la violence dans les films a un impact sur la société ?
Oui, bien sûr. Mais c’est compliqué. D’un côté, il est indéniable qu’elle influence le subconscient de celui qui regarde le film, même si l’impact n’est pas visible, mais de l’autre, elle atténue et libère la tension.
Pourtant, la commission de censure américaine s’inquiète plus du sexe que de la violence dans les films.
Absolument. J’ai été confronté à la censure avec Blue Valentine pour une scène de sexe oral. La censure voulait le classer NC-17 [interdiction aux moins de 17 ans]. A la même époque, le film The Human Centipede, pour lequel je n’entrerai pas dans les détails de son côté horrifique et violent, obtenait un R [interdiction aux moins de 17 ans sauf accompagnés d’un adulte]. La commission a un système de classification très étrange.
Vous préparez votre premier film en tant que réalisateur, Lost River. D’où vient ce désir de réaliser ?
C’est une évolution naturelle. Je suis acteur depuis l’âge de 8 ans et depuis, je suis de plus en plus impliqué dans le produit final et dans l’environnement dont un film a besoin pour bien travailler en tant qu’acteur. Je viens aussi de travailler avec Derek Cianfrance, dont j’ai produit les films, et où j’étais très impliqué de façon créative et technique. Et c’était pareil avec Nicolas Winding Refn.
Avec quels réalisateurs avez-vous le plus appris ?
Vous apprenez autant, si ce n’est plus, avec les réalisateurs que vous n’aimez pas qu’avec ceux que vous aimez. (Rires) Pendant longtemps j’ai travaillé pour la télé et tourné dans plus d’une centaine d’épisodes. J’ai probablement travaillé avec autant de réalisateurs. Vous apprenez en regardant le réalisateur créer son environnement de travail, parler à son équipe, expliquer sa vision. Et parfois vous pensez : « Je ne ferai jamais ça ! » (Rires) J’ai beaucoup appris de Derek Cianfrance et de Nick Fern. Je viens aussi de finir un film de Terrence Malik. Ce serait trop difficile de décrire l’impact que toutes ces expériences ont eu sur moi mais je n’aurais pas pu connaître meilleure école. J’ai aussi appris en regardant des films, comme ceux de Frederick Wiseman et de John Cassavetes. Ces sont des écoles géniales autant pour la réalisation que pour l’art dramatique.
Souvent, le premier film d’un réalisateur est soit un film très intimiste soit un film de genre. Que va être le vôtre ?
Un film très personnel. Je ne saurais pas faire autre chose. Mais par le biais du genre. (Il sourit) C’est une « fantasy noire ». Ne me demandez pas ce que c’est exactement (rires) mais c’est le genre qu’on lui a attribué. Ca lui va bien dans son cas.
Vous êtes également producteur de votre film. Votre nom a-t-il aidé à monter le projet ?
J’en suis sûr mais quel que soit le nombre de films dans lesquels j’ai tourné, ça reste mon premier film de réalisateur et les investisseurs se sont montrés sceptiques, et ce à juste titre. Mais j’ai la chance d’avoir des liens étroits avec Bold Films, la société qui a déjà financé Drive. J’étais également producteur sur Drive ce qui a permis à Bold de me faire confiance pour ce projet.
Pourquoi ne jouez-vous pas dans votre propre film ?
Il y a beaucoup de gens qui donnent l’impression qu’il est facile de jouer et de réaliser en même temps. C’est loin d’être le cas. Je pense que je vais avoir suffisamment à faire sans en plus jouer un personnage. Je dois être disponible pour les acteurs autant que je le peux. Ce serait irresponsable de ma part de m’ajouter une casquette supplémentaire.
Article paru dans Studio Ciné Live – N°46 – Février 2013
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