Elémentaire est une comédie, un voyage familial et un choc des cultures. Le nouveau Pixar explore les relations harmonieuses ou chaotiques entre les quatre éléments – le feu, l’eau, la terre et l’air – mais aussi entre les parents et leurs enfants et entre nous et les autres, nos voisins qui ne sont peut-être pas aussi différents qu’on pourrait le penser. Voici comment Pixar a inventé l’univers de ses héros flamboyants, aquatiques, aériens et terriens. Elémentaire sort en salles ce 21 juin.
L’idée
Peter Sohn, le réalisateur du nouveau Pixar Elémentaire, raconte qu’adolescent, pendant le cours de sciences, il voyait le tableau périodique comme un immeuble d’habitation. Ainsi, tous ces petits carrés les uns à côté des autres abritaient le logement de quelqu’un. Le fluor, un halogène, était le voisin du néon, un gaz noble ; l’antimoine, un métalloïde, vivait au-dessus du bismuth, un métal pauvre. Des décennies plus tard, Peter Sohn a ramené cette idée aux éléments classiques – le feu, l’eau, l’air et la terre. Il a commencé par dessiner l’interaction entre deux personnages, l’un constitué de feu et l’autre d’eau, puis il a donné naissance à l’histoire d’une amitié inattendue.
Ensuite, il a injecté sa propre relation avec sa femme. Peter Sohn est coréen tandis que son épouse est américaine, à moitié Italienne. Au début, il a caché cette relation à ses parents parce qu’ils voulaient, selon la tradition, qu’il épouse une Coréenne. Ils ont changé d’avis en découvrant leurs points communs avec la famille de leur future belle-fille.
Enfin, Peter Sohn a voulu évoquer les chocs culturels entre la première et la deuxième génération des émigrés. Son père et sa mère ont émigré de Corée au début des années 1970. Il est né et a grandi avec les traditions, la langue et la culture coréennes dans la ville très américaine de New York. Pour Elémentaire, il a partagé son passé et son vécu avec plus de 100 immigrants de première ou de deuxième génération travaillant chez Pixar. Ces échanges ont nourri le récit du film. Flam est une immigrée de la deuxième génération. Ses parents ont quitté Fireland pour s’installer à Element City, où elle est née et a grandi. Dans Elémentaire, son aventure lui permettra de comprendre qui elle est et ce que ses parents lui ont transmis.
Créer les personnages d’Elémentaire
Flam la Flamboyante est constituée de feu et n’est absolument pas en feu. Flack l’Aquatique est tout entier fait d’eau et ne ressemble en rien à un réservoir d’eau. Le feu et l’eau sont des effets visuels en soi. Et chaque image du film comporte une simulation de feu ou d’eau, et souvent les deux à la fois. Créer des personnages comme Flam et Flack était tout simplement impossibles avant les avancées technologiques d’Elémentaire. Surtout que Peter Sohn ne voulait pas avoir recours à un squelette virtuel pour ancrer les personnages. Ces derniers devraient être capables de bouger et d’exprimer des émotions crédibles et attrayantes afin que le public puisse s’attacher à eux. Les animateurs devaient s’assurer que les effets n’allaient pas distraire le public de leur “jeu d’acteur”, même s’il s’agit d’animation. L’ampleur des effets est sans précédent pour un Pixar.
Les Flamboyants
Selon Sanjay Bakshi, le superviseur des effets visuels, donner vie à Flam sur le plan technique a été l’un des plus gros défis du film. Les efforts déployés ont ainsi été bien au-delà de la création du feu. “L’équilibre entre la stylisation des personnages et la représentation des éléments a été difficile à trouver,” admet l’artiste. “Flam Lumen ressemble au feu, mais pas comme celui que l’on photographie. Il s’agit d’une représentation élaborée avec soin qui la rend crédible, mais vous invite aussi à la regarder dans les yeux, à voir ses expressions et à se laisser subjuguer par sa performance.”
La conception de Flam est l’aboutissement d’une série de petits choix – couleur, forme, cheveux, lèvres et corps – qui la rendent unique. Il était néanmoins important que la stylisation de tous les personnages soit cohérente. Bien que différents, tous les protagonistes évoluent dans le même film.
Les Aquatiques
Quant à Flack Delamare, Peter Sohn confie qu’en cherchant le look idéal, “le piège était d’en faire tout autre chose qu’un élément aquatique. Si le mouvement était trop lent, Flack se transformait en gelée. Et en testant l’éclairage des Aquatiques, on s’est rendu compte qu’il était capital de les rendre transparents”. Tout en Flack montre qu’il est constitué d’eau et renforce cette sensation liquide : ses cheveux, ses sourcils avec des reflets irisés, ses yeux vitreux et enfin ses mouvements dynamiques. Les Aquatiques n’ont pas de genoux ni de coudes fixes comme les humains. Lorsque Flack marche, son pied peut aller et venir et sa jambe entière disparaître dans une flaque pour réapparaître peu après.
Par ailleurs, Flack est un personnage miroir – au sens propre comme au figuré – pour Flam, et les artistes ont donc joué sur sa réflectivité. A bien des égards, Flack a été créé pour aider Flam à se voir elle-même. Il agit comme un miroir qui lui permet de découvrir une nouvelle version d’elle-même.
Les Aériens
Alizée Cumulus est un élément d’air au teint rose et duveteux. La patronne de Flack a été imaginée comme le vent. Tour à tour heureuse puis furieuse, elle est capable de se transformer en un clin d’œil. La forme de la tête des personnages aériens ressemble à une coupe de cheveux. Des repères indiquent la taille des bouffées nuageuses au dessus et de chaque côté de leur visage, pour mieux faire ressortir leurs joues et leur bouche. Les animateurs devaient pouvoir jouer avec ces personnages en ayant une idée de ce à quoi ils ressembleraient en 3D avant que les responsables des effets ne les transforment en véritables nuages.
Le superviseur des effets visuels Stephen Marshall explique que “les éléments d’air forment de véritables volumes. Le mélange de nuage et de vent est à l’origine de moments où l’ensemble se désagrège, devient vaporeux et aérien puis se reforme. Ces prises de vue sont un vrai défi car une créature aérienne comporte de nombreuses couches, notamment une composante nuageuse et bouffante de base à laquelle se superpose une couche supplémentaire qui fournit des détails plus vaporeux. Ces éléments doivent ensuite être mixés ensemble pour ne pas donner l’impression qu’ils sont dissociés. Or le rendu des nuages a tendance à tendre vers le flou, ce qui fait perdre des détails”.
Les Terriens
Ivan Dubois est un élément de terre. Le superviseur des personnages Junyi Ling, “la terre est constituée de granulés solides et épars, ce qui la rend impossible à animer. Nous avons passé beaucoup de temps à chercher comment ceux-ci pouvaient bouger, s’étirer et se compacter sans que cela paraisse déroutant. Nous avons créé au final des personnages amusants sur lesquels pousse n’importe quel type de plantes”. Arbres géants, cactus, pins sont pour eux l’équivalent de nos cheveux, de nos ongles, de nos vêtements ou de nos bijoux.
La nature est cependant respectée. Si un personnage est sablonneux de base, les artistes ont fait en sorte de faire pousser sur lui plus de plantes sèches que s’il était constitué de la terre humide et sombre d’une forêt tropicale. Par exemple, Ivan Dubois est recouvert de vigne. Un autre personnage a un nez en forme de souche d’arbre qu’il peut changer à volonté. S’il est de sortie, il ôte son nez de travail et met son nez de soirée.
Inventer un monde multiculturel : Element City
Dans Elémentaire, Element City est la cité où cohabitent des éléments d’origines différentes. Les artistes de Pixar ont construit un univers dans lequel des habitants faits de feu, d’eau, d’air et de terre vivent et interagissent. Ils ont donc inventé quatre mondes, quatre cultures et quatre types spécifiques de personnages.
“Il existe une hiérarchie dans Element City,” remarque Peter Sohn. “La première communauté arrivée est celle de l’eau, qui représente l’infrastructure de base de la ville. Le groupe de la terre a suivi, si bien que la cité est construite sur un delta où la terre et l’eau se rencontrent. De là l’air est arrivé, puis le feu. Cela constitue un véritable avantage narratif. De par son infrastructure basée sur l’eau, Element City représente un obstacle pour Flam. Il est plus difficile pour une Flamboyante de s’y frayer un chemin, mais en même temps, cela lui offre la possibilité d’explorer un monde inconnu et une opportunité de se connaître elle-même.”
Le chef décorateur Don Shank et son équipe se sont inspirés d’un certain nombre de lieux pour capter l’essence d’Element City. Ils ont étudié des grandes villes à travers le monde, en particulier celles qui reposent sur des systèmes de canaux comme Venise et Amsterdam. Et New York, car Elémentaire est un peu l’histoire de Peter Sohn et la Grosse Pomme est sa ville natale.
Quatre quartiers
Element City est composée de quartiers. Le quartier du feu – le dernier à avoir été créé – abrite Flam, sa famille et sa communauté. Le reste de la ville englobe des quartiers dédiés à l’eau, à l’air et à la terre. Comme ces trois éléments sont présents depuis des générations, les zones sont plus diversifiées. La ville ayant été fondée par les éléments de l’eau, un système de canaux sert de moyen de transport central. Toutefois, au fil des ans, chaque élément a introduit ses propres méthodes pour se déplacer. “La cité n’est pas censée être un melting-pot,” nuance Don Shank. “Nous ne voulions pas créer un monde homogène. Nous voulions célébrer toutes ces cultures et tous ces personnages différents qui vivent et travaillent ensemble.”
Selon le chef décorateur, les artistes avaient plusieurs astuces pour rapidement identifier les différents quartiers. L’eau est généralement bleue, le feu est rouge et orange, la terre est verte ou brune. “L’air est plutôt violet, translucide, lavande ou rose,” ajoute Don Shank. “Mais cela reste subtil : aucun endroit n’est d’une seule couleur car nous ne voulions pas que ce soit trop marqué.”
Quatre architectures
Le style des bâtiments permet également de différencier les quartiers. Don Shank explique : “Les zones terrestres se caractérisent par une végétation abondante et des terrasses. La forme d’un bâtiment peut ainsi ressembler à un pin géant. Les secteurs aquatiques contiennent de nombreuses cascades, l’eau se déversant sur les façades des bâtiments. Les structures de ces zones font penser à du verre, translucide et étincelant. Pour les quartiers aériens, nous nous sommes appuyés sur des éléments tels que les hélices, qui permettent d’illustrer le flux d’air. Nous nous sommes beaucoup inspiré des cerfs-volants, des nuages et de la vapeur. Le Cyclone stadium a même la forme d’une tornade géante.”
Pour Firetown, les artistes ont incorporé des formes rappelant la cuisine, comme des casseroles et des fours. Ils ont inclus pas mal de métal et de pierre, des matériaux avec lesquels les personnages de feu peuvent interagir sans causer de dégâts. “Le quartier de Firetown a été créé à l’origine par des habitants de la terre,” note Don Shank. “Cependant, au fil des années, il a été adopté par le feu. Certains bâtiments terrestres ont ainsi été réaménagés et cela renforce d’autant l’intérêt que nous avons pour ce quartier.”
Crédit photos : © Pixar / Disney