Dans la série The Crowded Room, Tom Holland incarne Danny Sullivan, arrêté à la suite d’une fusillade à New York en 1979. Au cours de son interrogatoire, la vie du jeune homme timide se dévoile, révélant les événements qui l’ont façonné et un passé plus complexe qu’il n’y paraît. Cette expérience d’acteur, bien que gratifiante, a été lourde de conséquences pour Tom Holland. Apple TV diffuse le thriller psychologique de 10 épisodes, adapté librement du roman non-fictionnel Les mille et une vies de Billy Milligan de Daniel Keyes, à partir de ce 9 juin. (SPOILERS)
Une première adaptation avortée
The Crowded Room est adapté du roman non fictionnel de 1981, Les mille et une vies de Billy Milligan de Daniel Keyes. Sa transposition à l’écran circule à Hollywood depuis les années 1990. James Cameron a été le premier à s’intéresser à cette histoire et a écrit un scénario de long métrage avec John Cusack dans le rôle principal.
Le réalisateur raconte : “J’ai conclu un accord avec un partenaire. Nous avions le contrôle conjoint du matériel. Ce partenaire s’est avéré être quelqu’un avec qui je ne pouvais pas travailler et qui estimait ne pas pouvoir travailler avec moi. Nous nous sommes séparés. Un scénario était écrit, avec John Cusack pour le rôle. J’étais en phase de pré-production et prêt à tourner… Cette personne s’est comportée de manière très peu professionnelle. J’ai également fait la connaissance de Billy Milligan. Il s’est retrouvé au milieu de toute cette affaire car il voulait que son histoire soit racontée. Il s’est mis à semer le chaos partout, à intenter des procès. Cela a tourné à la folie. Nous sommes devenus amis, mais en fin de compte, Billy a contribué à l’arrêt du projet, du moins dans son incarnation avec moi. D’une certaine façon, je ne voulais plus raconter son histoire.“
Plusieurs metteurs en scène ont tenté de reprendre le flambeau comme Joel Schumacher et David Fincher. En 2015, Leonardo DiCaprio a même signé en tant que star potentielle. Mais rien ne s’est concrétisé. Jusqu’à Akiva Goldsman – Oscar du meilleur scénario pour Un homme d’exception (2001). Au départ, il s’agissait d’une adaptation directe de la vie de Billy Milligan. Mais pendant le développement, Akiva Goldsman a préféré romancer l’histoire afin de rendre son personnage, Danny Sullivan, plus sympathique.
Une sordide histoire vraie
En 1975, Billy Milligan, 20 ans, est incarcéré pour viol et vol à main armée. Il bénéficie d’une libération conditionnelle au début de 1977. En octobre, il est de nouveau arrêté pour avoir violé trois femmes sur le campus de l’université d’État de l’Ohio. Une victime l’a reconnu grâce aux photos d’identité des délinquants sexuels. La police a aussi relevé ses empreintes digitales sur la voiture d’une autre de ses proies. Il est placé en détention dans le pénitencier de l’État de l’Ohio dans l’attente de son procès.
Lors d’un examen psychologique préparatoire à sa défense, la psychologue Dorothy Turner conclut que Billy Milligan souffre d’un trouble dissociatif de l’identité. Il aurait eu trois personnalités multiples (un garçon sans nom, Christene et Shawn) dès l’âge de cinq ans. Le divorce de ses parents et les présumés abus sexuels de son beau-père auraient eu un impact considérable sur sa santé mentale. Les avocats plaident alors la défense de l’aliénation mentale. Et Billy Milligan est acquitté. Il est interné dans plusieurs hôpitaux psychiatriques “jusqu’à ce qu’il retrouve la raison”. Les psychiatres qui l’ont traité ont dénombré jusqu’à 24 personnalités différentes. M. Night Shyamalan s’est inspiré de Billy Milligan pour son personnage principal de Split (2016).
Après une décennie de traitements, Billy Milligan est libéré en 1988. Puis, il est affranchi du système de santé mentale et des tribunaux de l’Ohio en 1991. Il crée alors sa société de production, Stormy Life Productions. Il prévoyait de réaliser un court métrage qui n’a jamais vu le jour.
Alors qu’il vit chez sa sœur, les médecins lui diagnostiquent un cancer en 2012. Il meurt deux ans plus tard, à 59 ans.
The Crowded Room a brisé Tom Holland
En lisant le livre de David Keyes, Tom Holland, connu principalement pour son interprétation de Spider-Man dans les films Marvel, a été époustouflé par l’opportunité que le personnage de Billy Milligan représentait pour un acteur. Le jeune homme de 26 ans disait à son entourage être à l’affût d’un projet comme Peur primale (1996) de Gregory Hoblit avec Edward Norton dans le rôle du schizophrène Aaron Stampler. Il s’est engagé sur ce projet en tant que star et producteur exécutif, sans avoir lu le moindre scénario officiel.
Cependant, aborder un sujet aussi lourd a eu un impact personnel sur le comédien. Habitué aux scènes d’actions et à l’aspect physique du métier, il avoue avoir souffert de l’aspect mental. Il a eu besoin de beaucoup de temps pour s’en remettre et revenir à la réalité. Après neuf mois de tournage, il avait des difficultés à se détacher de Danny Sullivan dans sa vie personnelle. Il comptait même les jours où il pourrait se libérer du personnage définitivement et prendre du temps pour lui.
Cette expérience éprouvante mais gratifiante lui a, par ailleurs, permis de changer sa façon de voir sa propre santé mentale et le pouvoir de l’esprit humain. Il a aussi découvert différentes façons de gérer les traumatismes pour se protéger, guérir et survivre. Il confie savoir désormais reconnaître les éléments déclencheurs de son stress – comme les médias sociaux.
Tom Holland admet également que le fait de jongler avec ses deux responsabilités d’acteur et de producteur exécutif tout en jouant un personnage souffrant d’une grave maladie mentale l’a poussé à bout. Il confesse que la série l’a brisé au point qu’après le tournage, il a pris une année sabbatique.
Crédit photos : © Apple TV