Titanic de James Cameron est de nouveau à l’affiche pour ses 25 ans. Retour sur le tournage de ce voyage dans le temps et cette histoire d’amour qui ont demandé trois ans de production avec ceux qui y ont participé. Titanic ressort en salles ce 8 février.
La genèse de Titanic
James Cameron, réalisateur : “Cette tragédie a pris une dimension quasi mythique dans notre imaginaire collectif, mais le passage du temps lui a ôté son visage humain. Son statut dans notre culture est devenu celui d’un conte moral, auquel on se réfère plus souvent comme une métaphore dans les caricatures politiques que comme un événement réel. Je me suis mis en tête de faire un film qui donnerait vie à l’aventure, qui l’humaniserait. Pas un docudrame, mais une expérience d’histoire vivante. Je voulais placer le public sur le navire, dans ses dernières heures, afin de vivre l’événement tragique dans toute sa gloire horriblement fascinante. Le plus grand défi de l’écriture d’un nouveau film sur un sujet aussi souvent abordé est le fait même que l’histoire est si connue. Que dire qui n’ait pas déjà été dit ? Le seul territoire qui, selon moi, n’a pas été exploré dans les films précédents est celui du cœur. Je voulais que le public pleure pour le Titanic. Ce qui signifie pleurer pour les gens à bord du navire. Ce qui signifie vraiment pleurer pour toute âme perdue à l’heure de sa mort prématurée. Mais la mort de 1 500 innocents est trop abstraite pour que nos cœurs puissent la saisir, même si l’esprit peut facilement se représenter ce chiffre.”
“Dans le but de vivre pleinement la tragédie du Titanic, d’être capable de la comprendre en termes humains, il semble nécessaire de créer une cible émotionnelle pour le public en lui donnant deux personnages principaux auxquels il tient, puis en emmenant ces personnages en enfer. Jack et Rose sont nés de ce besoin, et l’histoire du Titanic est devenue leur histoire. J’ai alors compris que mon film devait être, d’abord et toujours, une histoire d’amour.”
Kate Winslet, actrice (Rose DeWitt Bukater) : “Une chose qui est très importante pour moi dans la vie, c’est qu’en ayant une relation avec quelqu’un, en aimant cette personne et en étant autorisé à ressentir toute l’émotion de l’amour malgré tous les risques, on peut découvrir qui on est. Et lorsque Rose rencontre Jake, elle passe outre toutes les absurdités de classe et d’argent et se connecte à quelque chose de réel, de vivant et de passionné dans son âme. Quand j’ai lu le scénario, j’ai fondu en larmes. Il vous amène au point où vous feriez tout – absolument tout – pour empêcher ce bateau de couler.”
Les recherches historiques
James Cameron : “Le naufrage du Titanic est l’un des événements les mieux décrits de l’histoire, grâce aux commissions d’enquête américaine et anglaise, et aux décennies de recherches effectuées par Walter Lord et d’autres historiens de qualité comme Don Lynch qui ont suivi son exemple. Après six mois de recherche, j’ai compilé une chronologie très détaillée. Elle décrit l’ordre des événements survenus sur le navire au cours de ses dernières heures, ainsi que les allées et venues et les actions de l’équipage et des passagers à la minute près. J’ai fait du respect des faits sans compromis un objectif sacré de la production, un objectif partagé par toutes les personnes impliquées. Je voulais pouvoir dire à un public, sans le moindre sentiment de culpabilité : ‘C’est réel. C’est ce qui s’est passé. Exactement comme ça. Si vous reveniez en arrière, dans une machine à remonter le temps et que vous vous teniez sur le pont, c’est ce que vous auriez vu.'”
“Lorsque les faits sont clairs, nous avons été absolument rigoureux dans la reconstitution des événements. Lorsqu’ils ne sont pas clairs, j’ai fait mes propres choix, dont certains peuvent être controversés par ceux qui étudient l’histoire du Titanic. Même si je n’ai pas toujours fait une interprétation traditionnelle, je peux assurer qu’il s’agit de décisions conscientes et bien informées et non d’erreurs accidentelles de Hollywood. Et si cela semble parfois improbablement spectaculaire et dramatique… C’est parce que c’était le cas.”
Les expéditions Deep Dive, en eaux profondes, de 1995
James Cameron : “A un moment donné, je me suis rendu compte, c’était comme un électrochoc, que le Titanic n’est pas un mythe. Non seulement il a existé, mais il existe toujours. Il repose maintenant sur le fond de la mer, à plus de quatre kilomètres en dessous de l’endroit où il a heurté l’iceberg. Et si vous êtes assez audacieux, vous pouvez y aller et le voir. Et le filmer. Dès que j’ai eu cette idée, j’ai su que je devais faire ce film, mais en plus que je devais filmer le vrai navire, d’une manière ou d’une autre. Cela a pris quelques années à mettre en place, mais nous avons finalement monté une expédition ‘Deep Dive’, une plongée en eaux profondes. Chaque plongée était planifiée comme une mission lunaire, avec des heures passées à simuler le mouvement des submersibles Mir 1 et Mir 2 avec des miniatures et des systèmes vidéo, avec des cartes, des diagrammes et des listes de plans distribués à chaque équipe de sous-marins avant chaque plongée.”
“Pour moi, les plongées consistaient en deux heures et demie d’ennui, à descendre dans le noir, suivies de dix à douze heures de concentration intense et ininterrompue, alors que nous positionnions simultanément les deux submersibles, les lumières et la caméra, dans un noir glacial et tourbillonnant, pour tenter de photographier le Titanic comme il n’a jamais été filmé auparavant. Cette concentration digne d’une transe et mon implication à vouloir atteindre mon objectif ont retardé ma réaction émotionnelle à l’épave jusqu’à la deuxième plongée. Soudain, j’ai compris. J’étais sur le pont du Titanic. Lorsque je suis retourné sur l’Akademik Mstislav Keldysh, le navire de recherche marine russe, après cette deuxième plongée, j’étais submergé par l’émotion. J’avais connu l’événement si intimement grâce à mes recherches, et maintenant j’étais sur le pont du navire lui-même, et cela m’a submergé. J’ai pleuré pour les innocents qui sont morts là-bas. Cette nuit-là, j’ai compris que mon projet, mon film, était voué à l’échec s’il ne parvenait pas à transmettre l’émotion de cette nuit plutôt que les faits.”
L’engagement des équipes
James Cameron : “Ce projet a commencé par une expédition sur le véritable Titanic. Tout le reste devait s’élever à ce niveau de dévouement. Tous ceux qui ont rejoint le projet après cette expédition ont vu les images que nous avons rapportées. Et je les ai regardés dans les yeux en leur demandant : ‘Êtes-vous prêts à relever ce défi ? Etes-vous prêts à faire partie d’un film qui ne fera pas de compromis ? Etes-vous prêts à construire le Titanic ?'”
Tourner dans un réservoir
Jon Landau, producteur : “Pour les prises de vue dont Jim avait besoin afin de raconter son histoire – où nos deux personnages principaux se déplacent partout sur le Titanic – la solution la plus simple et la plus rentable était de construire une partie substantielle de l’extérieur du navire et de le couler dans un réservoir bâti selon nos spécifications. Toutes les autres décisions ont été prises en fonction de ce choix.”
La reconstruction du Titanic
James Cameron : “La recréation du navire n’aurait pas été possible sans la coopération sans précédent de ses constructeurs d’origine [Harlan and Wolff, l’entreprise de construction navale de Belfast, en Irlande, a ouvert ses archives privées à la production]. Je pense qu’ils ont compris que c’était la première fois que quelqu’un allait consacrer les ressources nécessaires dans le but de recréer fidèlement le navire dans ses moindres détails. Par conséquent, ils ont été formidables avec nous. Nous avons vu des plans et des photographies qui n’avaient pas été regardés depuis des décennies. Ils ont même partagé des plans que l’on croyait perdus.”
Les Collins, coordinateur de la construction : “Ce seul décor est l’équivalent de la construction d’un gratte-ciel de soixante-dix étages posé sur le côté. Et si vous incluez les décors intérieurs conçus par Peter Lamont et Charles Lee et construits par les équipes de Tony Graysmark, nous avons également meublé ce gratte-ciel.”
Rae Sanchini, productrice exécutive : “Etant donné que la nouveauté du Titanic était un point critique de l’histoire et qu’un grand nombre de nos accessoires et de nos décors devaient être détruits au cours du ‘naufrage’ de notre navire, la location était hors de question. Et, très honnêtement, le stock limité de l’époque de 1912 que nous aurions pu louer ne correspondait pas à la réalité historique. Au lieu de cela, nous avons trouvé le moyen de fabriquer en grande quantité un large éventail d’articles allant des chaises à la porcelaine et des gilets de sauvetage aux lampes. En manufacturant ces articles selon nos spécifications strictes, nous avons pu honorer l’histoire sans coût supplémentaire pour la production.”
Leonardo DiCaprio, acteur (Jack Dawson) : “Ce film devrait être mis dans une capsule temporelle. Avec tous les détails et le réalisme que tout le monde a mis dans ce projet, il n’y a rien que l’on puisse faire de mieux en ce qui concerne le Titanic. S’il y a un moment où j’ai été transporté dans le temps, c’est bien sur ce film.”
Le flopping ou les images inversées de Titanic
James Cameron : “Par mesure d’économie, nous avons construit la coque en acier rivetée du navire jusqu’à la ligne de flottaison sur un seul côté. Nous avons choisi le côté tribord principalement parce que les données météorologiques recueillies pendant des mois indiquaient que pendant le tournage un vent dominant du nord au sud soufflerait la fumée des cheminées vers l’arrière et donnerait l’impression que le navire avance. Cependant, lorsque le navire est parti de Southampton, il était amarré avec son côté bâbord contre le quai. Comme nous devions de toute façon fabriquer la plupart de nos accessoires et de nos costumes, nous avons décidé d’opter pour l’exactitude historique en remettant la scène dans le bon sens en postproduction. Toutefois, nous avons rencontré de vrais cas illogiques lorsque nous avons dû faire correspondre certaines des scènes ultérieures, qui avaient été tournées dans les deux sens.”
Kate Winslet : “Oh, ne me parlez pas du flopping. Je n’ai rien compris. Ça m’a fait rire quand j’ai vu des marins avec “ENIL RATS ETIHW” [WHITE STAR LINE, dans le bon sens] écrit sur leurs chapeaux.”
Le casting de Jack et Rose
James Cameron : “Jack devait être quelqu’un que l’on n’oublie jamais. Leur connexion sur le plan émotionnel est ce qui transforme Rose de cette sorte de geisha édouardienne de première classe qui se meurt de l’intérieur en une jeune femme pleine d’entrain à l’aube d’une nouvelle vie. Et Leonardo DiCaprio possède cette énergie naturelle et cette pureté d’esprit en tant qu’acteur, ce qui rend cette évolution possible.”
Rae Sanchini : “Jack ouvre les yeux de Rose sur le monde en dehors de sa cage dorée. Jim avait besoin d’une jeune actrice capable de jouer ces moments très émotionnels et d’opérer cette transformation presque totale du personnage au cours de ce voyage de quatre jours et demi. Je pense que toutes les personnes impliquées dans le film estiment que la performance de Kate a été absolument stupéfiante. Le public comprendra tous les choix que Rose a faits jusqu’à présent et comment sa rencontre avec Jack Dawson et l’histoire d’amour qui s’ensuit pourraient changer complètement sa vie.”
Leonardo DiCaprio : “Je ne pensais pas vraiment à ce film comme à un projet que je ferais jusqu’à ce que je me rende compte que j’étais en train de le discriminer purement à cause de son échelle. Malgré la taille épique de cette production, il s’agit au fond d’une grande histoire d’amour. Une autre grande raison pour laquelle j’ai accepté le rôle était Kate. Elle a beaucoup d’intégrité et, en tant qu’actrice, elle est extrêmement talentueuse.”
Kate Winslet : “J’avais peur que Leo ne m’aime pas. Je pensais qu’il allait avoir cette image de moi d’une Britannique coincée qui récite Shakespeare à tout va et qui insiste absolument pour boire du thé l’après-midi. Quand je l’ai rencontré, j’ai réalisé que j’allais devoir lui faire savoir que j’avais aussi mon côté funky. Nous sommes très proches maintenant. Il connaît beaucoup de mes secrets. Et moi des siens.”
Le premier jour de tournage de Kate Winslet et Leonardo DiCaprio, ensemble
Kate Winslet : “J’étais nue devant Leonardo DiCaprio pour son premier jour de tournage.”
Leonardo DiCaprio : “Il arrive presque toujours que certaines des scènes les plus importantes soient tournées au tout début, lorsque l’on apprend encore à se connaître. Kate est géniale. Elle n’avait aucune honte face à cette scène. Elle voulait briser la glace un peu à l’avance, alors elle m’a rapidement montré ses seins. Je n’étais pas préparé à ça. Mais c’était plutôt confortable après ça.”
Les figurants
Josh McLaglen, premier assistant réalisateur, évoquant le “Core Extras Group” soit le groupe des 150 principaux figurants du film : “C’est un système fermé. Nous ne voulions pas faire venir de nouveaux figurants non initiés toutes les deux ou trois semaines, car sur l’ensemble de la production, nous aurions fini par montrer plus de personnes qu’il n’aurait pu y en avoir à bord du navire. Sans parler de la nécessité de réajuster les coûteux costumes d’époque pour chaque nouvelle personne et d’informer suffisamment les nouveaux figurants du contexte historique afin qu’ils sachent comment ils sont censés se comporter. De plus, ce noyau de figurants a fourni un visage émotionnel aux plus de deux mille personnes à bord. James Cameron a trouvé le moyen de mettre en évidence un grand nombre d’entre eux, de sorte que le fait de les reconnaître à nouveau lors du naufrage du navire fera vibrer une corde sensible dans le public.”
James Cameron : “Je peux honnêtement dire que les figurants du noyau dur tiennent autant à ce projet que moi. Je n’ai jamais vu un groupe tellement impliqué dans son travail qu’ils pouvaient me corriger, ou corriger Josh, sur leurs actions et le blocage d’une scène que nous avions peut-être commencée en octobre et poursuivie en mars. Ils n’ont pas bronché une seule fois lorsque nous les avons attachés aux rambardes du bateau en train de couler ou que nous les avons plongés pendant des heures dans l’eau. Et leur maîtrise des manières de l’époque était inégalée.”
Les costumes
Deborah Scott, designer de costumes : “Nous avons couvert un mur entier du bureau avec des photographies des passagers du Titanic, et nous les regardions de manière très analytique : ‘Jock Hume portait ça, et Lady Duff Gordon portait peut-être ça’. Et alors que je me tenais là, avec tous ces visages qui me fixaient, j’ai soudain pensé : ‘Nous ne sommes pas en train de faire de la recherche. Nous regardons les vraies personnes qui étaient sur ce bateau, qui ont vécu ce moment. C’était étrange. C’est devenu plus qu’une question de faire un film. Nous voulons être à la hauteur de l’histoire.”
Paule Drissi, spécialiste des perles qui a restauré des dizaines de robes de soirée de 1912 pour Titanic : “C’est un privilège. Nous avons vus ces vêtements dans des livres, mais maintenant nous les avons dans nos mains. Il y a une âme dans chaque robe.”
Frances Fisher, actrice (Ruth DeWitt Bukater) : “Deborah Scott a fait un travail incroyable, car même les figurants en arrière-plan dans le décor sont habillés à la perfection. Chaque femme porte un corset. Rien n’a été laissé au hasard. Chaque département fait de son mieux et cela se voit.”
Les cascades
Simon Crane, coordinateur des cascades : “Nous devons traiter ce plateau comme s’il s’agissait d’un vrai navire, car il n’est pas moins dangereux. Nous avons dû tout étudier car ce n’est pas un film d’action au sens traditionnel du terme. Il ne peut pas avoir un côté ‘cascade’. En 1912, il faut se souvenir que l’on ne mettait pas autant l’accent sur la forme physique. Beaucoup de gens ne savaient même pas nager. Et ils n’avaient certainement jamais sauté d’un immeuble de dix étages, ce qui aurait été le cas une fois que le Titanic s’est redressé jusqu’à un certain angle. Nous avions vingt-six hommes et femmes qui sautaient à chaque prise d’une hauteur moyenne de douze mètres. La cascade en elle-même n’était pas difficile, mais en termes de nombre, c’était énorme. Une centaine de cascadeurs et cascadeuses ont aussi dévalé le pont pendant au moins dix prises entières. C’est l’équivalent d’une personne faisant un millier de chutes de ce type. Une planification méticuleuse était cruciale.”
Les effets visuels
James Cameron : “Le film est avant tout une sorte d’expérience immersive, impliquant le naufrage du Titanic combiné à une histoire d’amour très puissante. C’est l’objectif. Et nous utilisons ces gros effets – caméras de contrôle de mouvement pilotées par ordinateur, systèmes de capture de mouvement, maquettes et tout le reste – afin de créer des moments qui fonctionnent à un niveau émotionnel. La technologie elle-même doit être invisible.”
“Il est dangereux de jeter les acteurs dans le tournage d’une scène avec des effets visuels avant qu’ils n’aient eu l’occasion de se connecter à la scène. Vous n’obtiendrez peut-être pas la réponse nuancée complète que de bons comédiens peuvent créer dans les bonnes circonstances. J’ai toujours trouvé qu’il était préférable de filmer d’abord la situation réelle, car la réalité d’un acteur vient de l’intérieur. Kate et Leo se sont embrassés sur la proue. Ils ont été à 15 mètres au-dessus de l’océan et ils ont senti le vent dans leurs cheveux. [Quand ils se tiennent à nouveau sur la proue du navire alors que tout ce qui les entoure est sur fond vert et artificiel], ils savent où ils se trouvent physiquement et émotionnellement et cela permet de garder le moment vivant.”
La catastrophe de 1912
Kit Bonner, historien naval : “Tout le monde est avide de montrer quelqu’un du doigt. Mais en réalité, aucune personne ne peut être blâmée. La collision avec l’iceberg a été l’aboutissement de plusieurs incidents mineurs et de ‘si seulement’.”
James Cameron : “J’aimerais parfois vivre dans un monde où le Titanic n’a jamais été un navire célèbre.”
Source : James Cameron’s Titanic de Ed W. Marsh (Ed. Boxtree, 1998)
Crédit photos : ©Twentieth Century Fox – Paramount Pictures