De l’idée initiale du réalisateur Pete Docter à la création de la lumière, voici l’histoire de Vice-versa, le dernier né des studios Pixar, en 50 secrets, anecdotes, infos et autres trucs à savoir.
1 – L’histoire de Vice-versa est basée sur la relation entre le réalisateur Pete Docter et sa fille Elie, 11 ans à l’époque. La voyant grandir, il l’a vu aussi changer, passant de la petite fille joyeuse qu’elle était à une pré-adolescente plus maussade. Il a voulu comprendre ce qu’il se passait dans son esprit.
2 – Pete Docter a pitché son idée à John Lasseter alors qu’il finissait la réalisation de Là-haut.
3 – Pete Docter s’est surtout inspiré du travail du psychologue américain Paul Ekman. Ce dernier a déterminé qu’il existait six émotions de base : la joie, la colère, le dégoût, la tristesse, la peur et la surprise. Pete Docter a estimé que la surprise était redondante par rapport à la peur et ne l’a pas gardée pour son film.
4 – D’autres émotions ont failli jouer dans le film comme Fierté, un homme à la lèvre hautaine et au nez pointé en l’air, et Schadenfreude ou joie malsaine qui parlait avec un accent allemand et se réjouissait du malheur des autres.
5 – L’émotion préférée de Pete Docter est la colère. Il dit ne pas trop savoir pourquoi.
6 – Peter Docter a très vite choisi son coréalisateur : Ronnie Del Carmen, superviseur de l’histoire sur Le Monde de Némo, Ratatouille et Là-haut. Ne pouvant le dire à personne pour des raisons de confidentialité, Ronnie Del Carmen a cependant écrit dans un carnet : « Aujourd’hui, ton monde change à jamais. »
7 – Sous la houlette de Peter Docter et de Ronnie Del Carmen, les artistes de Pixar se sont réunis pour déterminer le look des émotions. Des centaines de dessins ont vite couverts les murs de leur salle de conférence. Ils se sont raconté des histoires, ont jeté des idées sur le papier et quand ils se sont sentis frustrés de ne pas avancer, ils se sont dessinés les uns les autres. Il n’est pas exclu que certaines de ces caricatures aient fini comme personnages d’arrière-plan dans le film.
8 – Les artistes du film ont suivi leur instinct pour déterminer les formes des émotions. Colère ressemble à une brique, bien ancrée au sol et désireuse de frapper. Tristesse est une larme renversée, courte sur pattes. Peur est un nerf, anguleux et fin. Joie ressemble à une explosion, à une étoile avec ses bras souvent écartés pour montrer son énergie, son enthousiasme et son exubérance. Dégoût a la couleur verte du brocoli car selon un cliché américain, les enfants n’aiment pas les brocolis.
9 – Les émotions ont un style plus cartooniste pour mieux les différencier des personnages humains.
10 – La scène du dîner avec Riley et ses parents est la première scène sur laquelle toute l’équipe a travaillé. Elle a confirmé le concept du film : montrer les émotions dans les esprits des personnages et montrer le résultat dans la vie réelle. Et vice-versa.
11 – La scène de Riley en train de courir toute nue dans la maison pour échapper à son bain est une idée du scénariste Josh Cooley. Sa fille lui a fait le même coup.
12 – Le chef décorateur Ralph Eggleston avoue qu’il n’a jamais travaillé aussi longtemps sur un film : 5 ans et demi. La moyenne est habituellement de trois ans et demi.
13 – Selon Ralph Eggleston, un film Pixar est parmi les plus durs à réaliser car il n’est pas à destination des enfants mais de toute la famille et qu’il doit donc plaire à tous ses membres.
14 – La texture effervescente du personnage de Joie est inspirée d’un cierge magique et de bulles de champagne. Le concept a tenu pendant huit mois puis a été abandonné car sa réalisation aurait coûté trop cher. L’idée a quand même été présentée à John Lasseter qui l’a adorée. Au point qu’il a voulu la même chose pour toutes les émotions. La suite est une histoire de gens qui s’arrachent les cheveux pour tenir leur budget.
15 – Vice-versa raconte deux histoires parallèles qui s’affectent l’une l’autre : la première, celle de la pré-ado Riley, se passe dans le monde réel alors que la seconde se passe dans l’esprit de Riley. Le film passant de l’une à l’autre et donc d’un monde à l’autre, il fallait créer deux univers distincts pour que le spectateur sache tout de suite où il est. Le design du monde réel est plus réaliste avec des surfaces dures, des couleurs ternes, peu de contrastes, une hyper texturation et une composition complexe. Le design du monde de l’esprit de Riley est plus naturaliste avec des surfaces douces, des couleurs hautement saturées, vives et intenses, de forts contrastes, de la translucidité et des motifs organiques et caricaturaux.
16 – Ralph Eggleston a étudié la macrophotographie de neurones pour aboutir à l’idée de saturation des couleurs. Il a alors déterminé que l’esprit de Riley est fait d’énergie et qu’il absorbe, reflète et réfracte la lumière. A mesure que l’histoire se déroule et que Riley devient renfermée, ce monde de l’esprit perd de son intensité et de sa luminosité pour devenir plus sombre, plus triste.
17 – La personnalité de Riley et son évolution sont représentées physiquement par des îles : l’Ile de la Famille matérialise l’amour que Riley porte à ses parents, l’Ile de la Gaffe évoque son côté insouciant et déjanté, l’Ile du Hockey sa passion pour ce sport… Elles sont belles et fonctionnent à la perfection au début de l’histoire alors que Riley est heureuse. Puis elles s’assombrissent pour ensuite s’éroder et s’effondrer à mesure que Riley déprime.
18 – L’Ile du Papotage a existé pendant un temps car Pete Docter trouvait que sa fille était une vraie pipelette quand elle était petite.
19 – Ralph Eggleston a établi un color script du film constitué de 100 de ses peintures (sur les 600 qu’il a faites). Cette sorte de storyboard complet du film montre à la fois les plans principaux des séquences, la lumière, les textures, les couleurs… Comme un puzzle, ses éléments peuvent être bougés à tout moment. D’après Ralph Eggleston, c’était le cas au moins une fois par jour. « C’était comme travailler sur deux films en même temps. Un simple changement dans le monde réel pouvait affecter la totalité du monde de l’esprit. Et vice-versa. »
20 – Une séquence au Pays de la Musique était prévue. Les personnages cessaient de parler avec des mots pour s’exprimer comme un violon ou une flute. Elle a été jugée trop proche de la séquence de la Pensée abstraite et a été supprimée.
21 – Pendant longtemps, le Train de la Pensée devait être constamment à l’image mais avec ses pylônes et ses caténaires, les plans devenaient vitre confus. L’idée, plus simple, de le faire apparaître et disparaître, a alors été adoptée.
22 – Ralph Eggleson s’est inspiré de Miro et Picasso pour la Pensée abstraite. Daly a été rejeté par il fait plus partie des surréalistes.
23 – Bing Bong, l’ami imaginaire de Riley, a un cœur en nougat.
24 – Les souvenirs, inhérents à l’esprit, ressemblent à des boules à neige lumineuses et de différentes couleurs en fonction de l’émotion liée à l’expérience qui les a fait naître. Ils sont rangés sur des étagères dans le Quartier cérébral ou stockés dans la bibliothèque de la Mémoire à long terme. Selon Ralph Eggleston, « les neuroscientifiques disent que l’on crée des souvenirs pendant la journée et qu’ils sont référencés, stockés et rangés dans la mémoire à long terme pendant qu’on dort. Notre idée de bibliothèque est peut-être une matérialisation simpliste de cette notion mais elle est proche de la vérité. »
25 – À l’origine, Ralph Eggleston avais imaginé des gouttelettes de rosée au lieu des boules à neige. Il s’était représenté la Mémoire à long terme « comme un enchevêtrement de toiles d’araignées auquel s’accrocheraient les souvenirs sous la forme de fines gouttes d’eau ».
26 – Ralph Eggleson trouve que la console des commandes du Quartier cérébral ressemble à l’hypothalamus. John Lasseter y voit un toast.
27 – Dans le cinéma, l’ordre de la création d’un plan est « Lumière, caméra, action ». En animation, c’est « Caméra, action, lumière ». Patrick Lin, le directeur de la photographie, explique que son département crée les fondations pour tous les autres : il met en place les caméras virtuelles et les personnages dans les plans et orchestre leurs mouvements et déplacements dans les scènes.
28 – La différenciation des deux mondes en passe également par leur langage visuel unique. Selon Patrick Lin, « le monde réel est réaliste avec ses défauts et ses imperfections. Le monde de l’esprit est imaginatif et virtuel et peut apparaître parfait. Nous avons donc joué avec les déformations visuelles, la mise au point et les mouvements de caméra. »
29 – Patrick Lin a loué deux vrais objectifs de caméra : l’Ultra Prime avec une déformation minimale et le Cooke S4 avec une déformation prononcée. Il a ensuite procédé à des tests et utilisé les données obtenues pour recréer les mêmes déformations sur des objectifs virtuels qui apportent ainsi une forte déformation à l’image pour le monde réel et une faible déformation pour le monde de l’esprit.
30 – Dans le même ordre d’idée, la mise au point des caméras virtuelles est imparfaite dans le monde réel, avec notamment quelques images floues, mais parfaite dans le monde de l’esprit.
31 – Les mouvements des caméras virtuelles sont moins structurés, plus organiques, avec des zooms, des plans au steadicam ou de caméra à l’épaule dans le monde réel. Ils sont contrôlés, mécaniques avec des caméras fixes, des travellings ou encore des panoramiques dans le monde de l’esprit.
32 – Patrick Lin utilise la technique de la « caméra capture » pour ajouter du réalisme aux plans réalisés par ses caméras à l’épaule et son steadicam virtuels. Il capture les mouvements d’une fausse caméra portée par un cadreur puis utilise les données enregistrées pour recréer virtuellement le mouvement de la caméra.
33 – Le choix des caméras montre l’évolution de l’état d’esprit de Riley. Dans l’acte 1, elle vit dans un monde moins rigide et plus heureux, elle est filmée au steadicam pour plus de fluidité, de grâce et de lyrisme. Dans l’acte 2, les émotions de Riley sont plus instables, elle commence à déprimer. Elle est alors filmée avec une caméra fixe, le mouvement ne venant que d’un léger panoramique. La mise au point n’est plus toujours aussi nette car Riley n’est plus aussi concentrée, comme lors de ses essais au hockey. Dans l’acte 3, Riley est filmée avec une caméra à l’épaule pour intensifier son mal-être.
34 – Les positions de Riley et de ses parents évoluent à mesure que l’histoire s’assombrit. Riley est au centre de ses parents au début du film car elle est leur principal centre d’intérêt. Une fois arrivée à San Francisco, Riley se sent déconnectée. Elle n’est plus entre ses parents mais placée à côté d’eux.
35 – Une fois les scènes prêtes, elles sont envoyées aux monteurs qui vont les couper, les affiner, les reminuter. Elles sont ensuite confiées à l’animation.
36 – Chaque jour de la création du film, et ce pendant une heure, Pete Docter et les animateurs se réunissent dans une salle de projection pour voir les « dailies », les scènes sur lesquelles ils travaillent, et vérifier la qualité du jeu des personnages : expressions, gestes, poses, déplacements…
37 – Pendant ces séances, quand Pete Docter fait ses remarques sur le travail, l’animateur Tony Fucile dessine et note ces informations à la main, sur son ordinateur, en surimpression de l’image critiquée. L’animateur concerné repart alors avec ces croquis pour affiner le travail de la scène qui lui a été confiée.
38 – C’est la première fois que Pixar utilise ce système de croquis pour les dailies. Glen Keane, producteur exécutif sur Raiponce, a été le premier à l’utiliser chez Disney.
39 – Dans la salle de projection, Tony Fucile utilise un miroir dirigé sur Pete Docter assis derrière lui, ce qui lui évite de se retourner tout le temps quand Pete Docter lui parle ou mime des expressions.
40 – Selon Angelique Reisch, responsable technique de la mise en lumière, son travail sur un film d’animation ressemble au travail du directeur de la photographie sur un film live. La seule différence : la lumière est virtuelle et il faut tout créer, ombres et lumières, à partir de zéro.
41 – Angelique Reisch travaille à partir de pastels réalisés par le département artistique et approuvés par Pete Docter. Ils servent à communiquer toutes les idées et intentions que les artistes veulent faire passer.
42 – La lumière a plusieurs utilités : diriger rapidement l’œil du spectateur vers le point principal du plan ; donner de la profondeur à une scène ; accentuer l’humeur, l’atmosphère et le côté dramatique ou comique d’une scène ; indiquer à quel moment de la journée se déroule la scène, ce qui entraîne une atmosphère différente ; et révéler la personnalité d’un personnage.
43 – Comme les textures et les caméras, la lumière permet de différencier les deux mondes. Le monde réel a un éclairage high key, un faible niveau de saturation et de contraste. Le monde de l’esprit possède des couleurs vives, de forts contrastes et saturation le rendant plus intense et plus théâtral.
44 – Un plan mettant en scène la Production des rêves comporte 175 lumières. Chacune d’elles est répertoriée et joue un rôle dans l’image finale.
45 – La difficulté principale de Vice-versa a été d’éclairer les émotions car ce sont des sources de lumière. Angelique Reisch a utilisé un pastel de Ralph Eggleston montrant Joie et sa brillance. Son visage est rose d’un côté et blanc de l’autre ce qui a donné l’idée d’utiliser la couleur plutôt que la valeur pour lui donner du relief. Une palette de couleurs allant du jaune pastel au rouge a donc été créée afin de remplacer les variations de valeur habituelles.
46 – Joie, Tristesse, Dégoût et Peur sont toutes auréolées d’un halo plus ou moins intense autour d’elles en harmonie avec leur couleur pour accentuer leur rayonnement. Colère est le seul qui ne produit pas de lumière mais il s’enflamme quand il se met en rage.
47 – L’unique cheveu de Peur produit une lumière qui lui est propre. Sa forme reflète également l’humeur de Peur : collé sur son crâne quand il a peur, en zigzag quand il a mal quelque part…
48 – Etant extrêmement brillante, Joie projette sa lumière sur les autres personnages et sur le décor. Cet état de fait a obligé les techniciens à utiliser une nouvelle technique, la lumière géométrique. La luminosité de Joie affecte ainsi les autres émotions qu’elle approche ou les objets qu’elle touche.
49 – Quand Joie touche une sphère contenant un souvenir classique, sa lumière éclaire la sphère. Quand Joie touche une sphère contenant un souvenir essentiel, cette dernière étant plus brillante, c’est elle qui éclaire Joie.
50 – Angelique Reisch finalise deux plans à deux plans et demi par semaine.
Crédit photo ©2015 Disney•Pixar